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wagnérien. Le prélude du Rheingold, purement descriptif, ne décrit que le Rhin. Mais, dès la première scène, les eaux du vieux fleuve s’animent de jeunes rires et d’ébats féminins. Une vue de printemps encadre le second tableau de Tannhäuser ; un décor d’automne, le dernier ; mais leur double beauté s’achève, là, par un cri de repentir, ici, par un sacrifice virginal, héroïque et silencieux. Paysage humain entre tous, le tableau de la retraite et de l’oblation d’Elisabeth est un paysage instrumental, où la voix n’a presque pas de rôle ; c’est un paysage symphonique par l’usage et l’effet de thèmes reproduits et rapprochés. Plus instrumental que symphonique, le prélude du Rheingold consiste moins dans le développement d’un thème que dans la répétition d’un accord et dans un accroissement de sonorité. Continu, monotone à dessein, il n’en imite que mieux l’égalité d’un vaste et paisible courant. Une musique fort différente, plus symphonique également, enveloppe, comme le frisson et le murmure du feuillage, la rêverie de Siegfried et son dialogue avec l’oiseau. Tout autre encore, autour de Brünnhilde endormie, la symphonie pétille, s’allume et finit par s’embraser. Et puis, quelque chose qui n’est plus de la nature, mais de l’humanité, je ne sais quel principe de vie, et d’une vie supérieure, celle ici d’un Siegfried et là d’une Brünnhilde, s’ajoute et donne un surcroît de poésie, d’émotion, aux voix de la forêt comme à celles de la flamme. A travers la création, la créature alors est sensible ; toutes les deux s’accordent et se répondent. Même caractère, même beauté morale dans la symphonie qui répand sur un matin d’avril et sur le front incliné d’une pécheresse repentante l’« enchantement » du Vendredi-Saint. Enfin, s’il est un paysage véritablement wagnérien, c’est bien celui qui s’ébauche et ne fait, pour ainsi dire, que passer au second acte de Tristan ; c’est la forêt, c’est le ruisseau, c’est la chasse. Le dehors, ou le décor, n’est ici qu’un reflet, un écho de l’âme, de la passion d’Iseult, et voilà pourquoi la musique, loin d’y insister, l’indique à peine, en touches légères, fugitives et comme jetées au passage dans le torrent de la symphonie.

L’action aussi, que d’ailleurs elle soit matérielle et visible, ou psychologique et tout intérieure, a trouvé dans la symphonie wagnérienne la plus énergique, la plus puissante interprète. Un épisode comme l’arrivée du cygne, au premier acte de Lohengrin, a peut-être des précédens. Mais tel autre était sans exemple et