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Les ministres français eussent-ils guetté un prétexte de guerre, ils n’avaient pas à attendre cette candidature Hohenzollern qu’il n’était pas en leur pouvoir de susciter et qui eût pu ne se produire jamais. Ils n’avaient qu’à étendre la main pour amener une explosion immédiate ; ils n’avaient qu’à réclamer d’une façon un peu pressante, comme le Cabinet de Pétersbourg les y conviait, l’exécution du traité de Prague relatif aux Danois du Nord du Sleswig. « Si la France était déterminée à se venger par une guerre contre la Prusse, disait Westmann, le substitut de Gortchakoff, à l’ambassadeur anglais, elle pourrait malheureusement trouver un prétexte pour le faire, en mettant le gouvernement prussien en demeure d’exécuter les stipulations du traité de Prague relatives au Sleswig. » Le 28 juin, Fleury, toujours obstiné dans son idée, écrivait à Gramont : « Je ne désespère pas, au retour du grand-duc héritier et du tsarewich de leur voyage à Copenhague, de voir la question des duchés entrer dans une nouvelle phase. Il me serait facile, quand vous me l’ordonnerez, de reprendre la suite de cette affaire que j’avais conduite assez loin et que je n’ai abandonnée, lorsqu’elle était près d’aboutir, que sur les injonctions formelles de l’un de vos prédécesseurs. » Et en refusant d’appuyer la demande de garanties, le Tsar n’avait-il pas dit : « Sur le terrain du traité de Prague, je vous aurais suivi. » Qu’a fait le gouvernement français ? Il s’est interdit et il a interdit à son ambassadeur à Pétersbourg toute conversation sur le Sleswig. Il a mis le pied sur le tison allumé et écarté le prétexte de guerre qui était toujours à sa disposition.

La soudaineté même de l’explosion de la guerre démontre qu’elle n’a été ni voulue, ni cherchée, ni préméditée par nous. Bismarck sera encore ici mon autorité. On lui reprochait d’avoir, depuis longtemps, conçu la persécution contre les catholiques dite le Kulturkampf. Il répondit : « De la soudaineté du changement, l’orateur a conclu que l’intention de changer existait depuis longtemps déjà. Je ne comprends pas comment il est possible d’arriver à cette conclusion pour ainsi dire à rebours. C’est précisément suivant moi la soudaineté du changement qui atteste l’amour de la paix dont le gouvernement est animé. Le changement s’explique simplement par le principe de la défense. Lorsque, au milieu de travaux pacifiques, je suis attaqué tout à coup par un adversaire avec lequel j’espérais pouvoir vivre en paix, alors je dois réellement me défendre. Toute défense a quelque