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impasse des Feuillantines, les « vertes Feuillantines » dont Victor Hugo a rendu célèbre le nom poétique et doux. Il y avait trouvé l’hospitalité dans un pensionnat ouvert, au retour de l’émigration, par trois vieilles demoiselles bretonnes, qui restèrent pour lui jusqu’à la fin des amies fidèles. Il y occupait un très modeste appartement où il passait presque toutes ses journées, sortant très peu et s’absorbant dans ses travaux. Très frileux, il se tenait presque toujours assis au coin du feu, revêtu d’une grande lévite qui lui tombait jusqu’aux pieds, un mouchoir sur les genoux. Quand on sonnait à sa porte, c’était presque toujours lui-même qui allait ouvrir, et, presque toujours aussi, le visiteur qui demandait : L’abbé de Lamennais, s’étonnait qu’un personnage de si chétive apparence répondît : C’est moi.

Ces fréquentes visites importunaient Lamennais, qui se plaignait que les curieux le vinssent voir « comme le singe de la foire. » Cependant, quand, par l’intermédiaire de l’abbé Carron, qui était l’aumônier du pensionnat et le directeur de Lamennais, une femme, de lui inconnue, lui fit demander de la recevoir, en vrai prêtre qui sait qu’il se doit à toutes les âmes, il ne se crut pas le droit de la repousser, et il répondit à cette démarche par la lettre suivante :


L’abbé de Lamennais, auteur de l’Essai sur l’Indifférence en matière de religion, se fera un plaisir et un devoir de conférer avec la personne qui a écrit à M. l’abbé Carron pour demander son adresse. Il sera chez lui demain mardi depuis dix heures du matin, jusqu’à une heure.


Par ce billet laconique, s’ouvrit une correspondance qui devait durer autant que la vie de Lamennais, car, si la première lettre est de 1818, la dernière est datée de janvier 1854, c’est-à-dire d’un mois avant sa mort. C’est cette correspondance, précieusement conservée, depuis la première lettre jusqu’à la dernière, que je voudrais faire connaître par de larges extraits, avant le jour où elle sera publiée intégralement.

La personne à qui ces lettres sont adressées s’appelait, de son nom de jeune fille, Marie-Madeleine-Olympe du Buc de Sainte-Olympe. Elle était née en 1790, à Saint-Domingue. Son père demeura longtemps aux Antilles, où il devint gouverneur de la Martinique. Sa mère, au contraire, revint en France et s’établit à Orléans. Elle se sépara de sa fille et la confia à Mme Campan, l’ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, qui avait