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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/656

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Les dieux n’ont pas quitté la campagne romaine,
Euterpe aux blonds pipeaux, Erato qui sourit
Dansent dans le jardin Mattei, où se promène
Le saint Philippe de Néri.

Mais c’est vous qui ce soir partagez mon malaise,
Dans l’église sans voix, au mur pâle et glacé,
Déesse catholique, ô ma sainte Thérèse,
Qui soupirez, les yeux baissés !

Malgré vos airs royaux et la fierté divine
Dont s’enveloppe encor votre cœur emporté,
L’angoisse de vos traits permet que l’on devine
Votre douce mendicité.

O visage altéré par l’ardente torture
D’attendre le bonheur qui descend lentement,
Appel mystérieux, hymne de la nature,
Désir de l’immortel amant !

Je vous offre aujourd’hui parmi l’encens des prêtres,
Comme un grain plus brûlant mis dans vos encensoirs,
Le rire que j’entends au bas de la fenêtre
Où je rêve seule, le soir ;

C’est le rire joyeux, épouvanté, timide
De deux enfans heureux, éperdus, inquiets,
Qui joignent leurs regards et leurs lèvres avides,
— Et dont tout le sanglot riait !

Ils riaient, ils étaient effrayés l’un de l’autre ;
Un jet d’eau s’effritait dans le lointain bassin,
La lune blanchissait, de sa clarté d’apôtre,
La terrasse des Capucins.

Une palme portait le poids mélancolique
De l’éther sans zéphyr, sans rosée et sans bruit ;
Rien ne venait briser son attente pudique
Que ce rire aigu dans la nuit !