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LES POÉSIES
DE
M. AUGUSTE ANGELLIER

Il faut connaître M. Auguste Angellier. Il n’est pas assez connu, bien qu’il ait été publié quelquefois ici même. Un des deux ou trois plus grands poètes contemporains vient chez moi. Il me trouve un livre d’Angellier à la main. Il me dit : « Angellier ? Qui est-ce ? » Cependant la Clarendon Press d’Oxford, qui reproduit une série des Pages choisies de nos classiques, vient de donner, en un joli volume, les Pages choisies d’Auguste Angellier : sans y être encore populaire, il est aussi connu là-bas qu’il l’est peu chez nous.

A quoi tient cette pénombre ? À ce que M. Angellier l’aime de tout son cœur. M. Angellier aime à n’être pas connu autant que M. X… aime à faire croire qu’il est célèbre. La foule est femme et, sans désirer qu’on la violente, elle veut très violemment qu’on la désire. M. Angellier ne la désire aucunement et elle le laisse bien tranquille. Voulez-vous être célèbre ? Célébrez-vous. Voulez-vous être inconnu ? Connaissez-vous. M. Angellier se connaît comme inférieur à Lamartine, et il juge que, dès lors, il ne vaut pas la peine de se faire connaître. Il vit pour lui, c’est-à-dire pour l’art ; et pour l’art, c’est-à-dire pour lui. Il vit au milieu de ses trois ou quatre cent quatre-vingt-quinze objets d’art, et il y ajoute de temps en temps un sonnet bien ciselé ou des stances lavées joliment ; et puis il croit que sa mission ici-bas est parfaitement remplie.