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A chaque heure apaisant la souffrance amollie,
Otant de leur éclat aux voluptés perdues,
Elle rapproche ainsi, de ses mains assidues,
Le passé du présent et les réconcilie.

La douleur s’amoindrit pour de moindres délices ;
La blessure adoucie et calme se referme ;
Et les hauts désespoirs, qui se voulaient sans terme,
Se sentent lentement changés en cicatrices.

Et celui qui chérit sa sombre inquiétude,
Qui verserait des pleurs sur sa douleur dissoute
Plus que tous les tourmens et les cris vous redoute,
Silencieuses mains de la douce habitude.


Cette très belle pièce, indépendamment de sa beauté, est un document. Elle n’est pas dans : A l’Amie perdue, et elle y pourrait être, elle y ressortit. Elle montre que, longtemps après l’Amie perdue, le souvenir amoureux est resté au cœur du poète. Cette observation s’applique tout de même, et encore plus précisément, à la pièce suivante qui est également dans le Chemin des Saisons. Elle est intitulée : Séparation.


Ainsi donc tu t’en es allée,
Tu suivis, sans te retourner,
La pâle et jaunissante allée
Qu’octobre allait découronner.

Tu marchais, la tête penchée,
Le regret, peut-être, un instant,
De notre tendresse arrachée
Ralentit ton pas hésitant ;

Et peut-être même une larme
Tremblait-elle en tes chers yeux bleus
Au moment où mourait le charme
Dont nous aurions pu vivre heureux.

Ah ! peut-être un regard rapide,
Un seul, t’eût remise en mes bras,
Et rendue à mon cœur avide ;
Mais tu ne te détournais pas.