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les arrondissemens de Riom, Clermont, Brioude, Mauriac, Aurillac, Saint-Flour et Issoire. On voit par-là quelles pouvaient être sa valeur et son importance économiques : alors comme aujourd’hui, des monts du Forez et de la Margeride jusqu’au pied des Dômes, la Limagne étendait sa courbe grasse et pleine et semblait un verger luxuriant, enclos entre des murs de lave ; alors comme aujourd’hui, les mûriers fleurissaient au bas des pentes neigeuses, cependant que la vigne puisait une sève plus chaude jusque dans l’ancienne coulée des volcans endormis. Mais, faute de communications et d’une mise en valeur habile, la plupart de ces richesses restaient ignorées ; quelques hommes de Cour étaient allés prendre « les eaux du Mont d’Or » et connaissaient de l’Auvergne tout ce qu’on peut entrevoir à travers les glaces d’une berline ; d’autres, ayant lu le Mercure ou la Gazette, savaient que la terre défendue par Vercingétorix et chantée par Ausone, était aussi la patrie de la bête du Gévaudan ; tous tenaient qu’elle formait une contrée lointaine et pauvre, abandonnée aux élémens, aux animaux de proie et aux trop fameux paysans, qu’avait décrits La Bruyère.

Par certains côtés, ces idées avaient gagné le ministère et les bureaux, où l’on divisait ordinairement les provinces en trois catégories : les provinces frontières, toujours occupées par la guerre de siège, le passage des troupes, la conclusion des traités, et dans lesquelles l’intendant devait être à la fois un administrateur, un fourrier des armées, et un diplomate ; les provinces commerçantes, ornées de grands ports maritimes et de grandes villes industrielles où la fiscalité royale trouvait à s’exercer ; enfin, les provinces peu fertiles, qui n’étaient d’aucun secours à l’État et menaçaient plutôt de devenir pour lui un embarras et une charge… L’Auvergne, le Limousin comptaient parmi ces territoires décriés ; mais tandis que Turgot, dès longtemps passé maître en l’art de la réclame, avait un peu tiré le Limousin de l’obscurité, ni M. de Balainvilliers, durant une magistrature de vingt années, ni M. da Fortia, durant une apparition de vingt mois, n’étaient parvenus à sauver l’Auvergne du mépris ; dès qu’il y fut nommé, Montyon reçut de ses amis des félicitations qui ressemblaient à des condoléances ; et, dans le ministère, on lui rappela sur un ton condescendant, qu’il allait occuper un poste de début, où la modestie était, pour ainsi dire, de commande, où la sagesse consistait à éviter l’éclat, le zèle