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Grâce à M. l’abbé Baudeau qui s’est étrangement et utilement démené pour rassembler ce troupeau de sauvages, et qui, surtout au payement, a failli être divinisé comme Romulus, nous avons actuellement à la sortie du village, auprès des eaux, et en allant vers le Mont d’Or, une promenade fort honnête et qui ne demande plus que d’être achevée par quelques canaux d’écoulement, et d’être plantée… » Enfin, Montyon lui-même ne dédaignait pas de mesurer le bien réalisé et, sans gloriole, comme sans fausse modestie, il exposait au contrôleur général les différentes particularités de son entreprise, ainsi que les résultats acquis :

« Pour la plupart des villes qui ont été affligées de la cherté des grains, écrit-il, l’époque de leur malheur sera celle de leur embellissement ; Riom et Clermont ont raccommodé leurs remparts, le Mont d’Or aura une promenade ; Mauriac, au milieu d’un petit amas confus de maisons, s’est formé une place et une espèce de rempart qui est tout ensemble promenade et chemin ; à Aurillac, une espèce de marais inégal et fangeux a été converti en route régulière… On ne pouvait, avec sûreté, arriver en voiture à Saint-Flour ; une route facile et d’une pente égale vient d’être ouverte à travers le roc, les ingénieurs n’avaient pas même conçu l’idée d’un travail aussi hardi. Toute la ville s’est intéressée à ce travail ; les officiers municipaux ont été transformés en piqueurs et en ingénieurs ; le maire, le plus digne homme d’Auvergne, est devenu le plus déterminé et le plus habile mineur, on a vu même des ecclésiastiques prêter la main pour faire rouler les rochers qu’avait enlevés la poudre ; une colonnade de rochers, de seize toises de haut, borde ainsi le chemin et forme un monument de l’audace des hommes et de la nature vaincue. »

On croit généralement, on a souvent imprimé, que ces résultats des travaux publics entrepris par Montyon lui valurent une très grande popularité. Cela est à la fois exact et inexact. Exact, en ce sens que, dans la classe moyenne et éclairée, on appréciait vraiment à sa valeur l’effort tenté par l’intendant pour conserver la vie de ses administrés, maintenir la paix sociale, et améliorer le sort du pays. Inexact, en ce sens que ni le peuple, ni la noblesse locale n’avaient entendu grand’chose à l’œuvre administrative de Montyon.

Ce fut le peuple qui donna, le premier, des marques de mécontentement. Dans leur crédulité, mêlée de crainte, comme elle est aujourd’hui mêlée d’illusions, paysans et ouvriers