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La politique intérieure. — Organisme social, l’institution maritime baigne dans le milieu politique ambiant. En dehors de toute action voulue et combinée, de tout effort officiel, elle reçoit en chaque point de sa surface les influences diffuses du monde politique. Elle se nourrit des sucs répandus dans la circulation morale du pays et s’empoisonne à ses toxines. Les élémens qu’elle absorbe ainsi tout formés, il serait bon d’en faire la part, si l’on voulait préciser sa vraie responsabilité.

Le plus dangereux de ces poisons est assurément le virus politicien. Il serait trop long d’en décrire tous les ravages. Nous avons vu certaines de ses conséquences retomber du dehors sur la marine. Dans son développement et sa vie même nous en relèverions d’autres, caractéristiques d’une triple usurpation dans le domaine de la doctrine, de l’administration, de la discipline.

La marine a donc, en la personne de ses ministres, admis, sanctionné, traduit en fait le dogme politique de notre parlementarisme outrancier. Pour elle, comme pour la grande masse du pays, toute légitime autorité parut se concentrer dans les Chambres, toute compétence s’effacer devant leur compétence électorale. On les laissa, on les fît juges des questions les moins spécialement politiques. D’où l’instabilité des conceptions techniques officielles, dont la stabilité pourtant fait le prix.

Chaque rapporteur du budget eut sa doctrine navale ; et chaque année vit un rapporteur nouveau. C’est une revue curieuse à passer que celle de ces rapports successifs. Leur ton d’affirmation tranchante, leur tendance à contredire constituent deux traits de la physionomie politicienne. L’habitude d’un auditoire ignorant donne le premier ; le second répand sur un auteur cet air de supériorité qui en impose aux foules. Quand bien même chacune de ces opinions aurait été capable de sauver la marine, leur succession ne pouvait réaliser que l’incohérence finale. Elles ont été pourtant les directrices de notre politique navale. Elles en expliquent les cahots. Elles étaient une donnée parlementaire, influant sur les Chambres, sur le gouvernement, dont nous avons vu l’attitude vis-à-vis de la marine, et jusque sur le ministre responsable. En face d’elles, ce dernier ne dressait que ses conceptions personnelles, originaires le plus souvent d’un rapport antérieur qu’il avait rédigé. Comme l’absolutisme ministériel fait partie du dogme administratif hérité des régimes anciens, les titulaires du portefeuille imposèrent leurs vues,