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ses courses l’amenait à l’heure du repas dans le quartier où résidait son maître. « Et vous pensez bien, dit l’un de ces pauvres diables, que le hasard se présentait tous les jours. »

« Il n’y a point d’hôtel fréquenté qui n’ait son nouvelliste, lisons-nous dans les Entretiens du Palais-Royal, et, comme c’est ordinairement un être qui va chercher dans tous les recoins de quoi remplir sa tâche, il rapporte indistinctement tout ce qu’on lui dit : souvent même il imaginera, pour se rendre intéressant en tâchant d’amuser. » Type heureusement renouvelé du nouvelliste de Plaute, qui « savait tout » et « disait tout, » jusqu’aux propos les plus intimes de Jupiter et de Junon. Il n’est donc grande maison qui n’ait son service spécial de nouvelles. Les directeurs de ces sortes d’agences expédient à des dates régulières leurs feuilles manuscrites. Nombre de ces correspondances sont conservées et ont été publiées. On trouve dans l’une d’elles, à la date du 10 juillet 1664 :

« On ne parle à Paris que des rentes de l’Hôtel de Ville. Chanson à ce sujet :


Dans l’empire d’amour le désordre s’est mis,
Dorize, Climène et Phylis
En sont dans l’épouvante ;
Beaucoup n’ont déjà plus que mépris pour leurs lois,
Et chacun crie à haute voix :
Amarante ! Amarante ! »


La chute du célèbre madrigal des Femmes savantes :


Ne dis plus qu’il est « amarante, »
Dis plutôt qu’il est « de ma rente, »


ne serait donc que l’écho d’une chanson à la mode.

Ces salariés, chasseurs de nouvelles, sont pour la plupart de pauvres hères. Il faut lire les suppliques qu’ils adressent à leurs nobles patrons. C’est le papier dont ils ont besoin pour écrire, qui leur fait défaut, et ils demandent instamment qu’on leur envoie l’argent nécessaire.

Cet office d’information se généralise. Aux anecdotes de la Cour et de la Ville, nos correspondans ne tardent pas à ajouter celles qui intéressent la « République des lettres : » comptes rendus de spectacles, analyses des livres nouveaux, brigues académiques, petits vers, épigrammes, chansons des rues et des cours, de la Cour et des ruelles. Parfois aux notices sont joints