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disaient plus souvent, en « bureaux ; » d’où le mot actuel « un bureau de rédaction. »

Nous lisons dans l’interrogatoire d’un certain Nicolas Tollot, en date du 27 février 1744 : « ...» ... Ils s’associèrent plusieurs ensemble, savoir les nommés Colson, Girardon, Lacroix, Ledoux, Diot et autres, lesquels fournissaient chacun leurs nouvelles, et comme lui, répondant, était le plus propre à la composition, il rédigeait lesdites nouvelles : c’était le nommé Lacroix (un domestique) qui en fournissait le plus. »

A la tête du bureau, le rédacteur en chef, qui s’appelait alors le « chef de nouvelles. » Puis le secrétaire de la rédaction. Celui-ci centralisait les informations qui arrivaient et les faisait transcrire, — sans y rien pouvoir modifier, — par les scribes et copistes. Il tenait registre des abonnés et veillait au départ des feuilles, après que celles-ci avaient été mises sous des enveloppes portant chacune le nom et l’adresse des différens souscripteurs.

A chaque « bureau » étaient attachés des reporters, car les nouvellistes ont connu le reportage dès le XVIIe siècle. La Reynie interroge Seubert de Benstal, détenu en 1670 à la Bastille :

« J’ai des hommes, répond le prisonnier, qui viennent m’apporter chaque jour leur récolte de nouvelles ; je paie l’un cinq livres par semaine, l’autre quarante sols. Je tire trois ou quatre copies de ces informations et j’arrive à gagner ainsi 900 livres par an. »

Tollot dira également au lieutenant de police :

« Je tenais les nouvelles de Paris des différentes personnes qui, des églises, des cafés, me rapportaient tout ce qu’elles entendaient dire. »

Le chevalier de Mouhy, « fameux nouvelliste, » « met les gens en campagne pour entrer dans les bas détails, » et nous les voyons se mêler à la foule, pour en rapporter les on-dit et, dans leur ardeur professionnelle, ne pas craindre de s’aventurer jusque dans les bagarres populacières des faubourgs.

Dans ce reportage, le monde de la livrée rendait les plus grands services. Les laquais se tenaient aux écoutes, tout en servant à table, tout en introduisant les visiteurs chez monsieur le comte ou chez monseigneur l’Intendant ; les portiers prenaient note des personnes qui entraient : sources d’informations si importantes que nous verrons des bureaux de rédaction installés dans des loges de concierges. Et qu’en résultait-il ? L’abbé