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Dubois, durant son ambassade à Londres, en 1717, écrivait au Régent :

« N’est-ce pas une chose monstrueuse que cette fureur contre l’affaire qui se traite actuellement ? Je suis dans le dernier étonnement quand je vois qu’on fait des assemblées sur une négociation comme sur la constitution Unigenitus, qu’on lit des mémoires (nouvelles à la main) dans les maisons, qu’on publie dans les rues, et qu’on commet un intérêt de cette importance au caquet de tout le monde. En vérité, Son Altesse Royale est trop trahie ; tout ce que je vous écris dans mes dépêches transpire au point que tout ce qui peut être nuisible à ses affaires roule dans Paris et puis voyage jusqu’à Madrid... »

Enfin les correspondans entretenus en province et au dehors du royaume. Tollot déclara au Magistrat, — c’est-à-dire au lieutenant de police, — qu’il recevait des nouvelles des pays étrangers ; celles d’Amsterdam lui étaient envoyées par Rousset ; celles de La Haye par « le nommé ou la nommée Jamet, qui est hermaphrodite. » La Hollande était, comme on sait, le centre du journalisme européen. Le correspondant de Tollot à Londres était un certain Desportes.

« Interrogé combien il lui en coûtait pour avoir lesdites nouvelles, il a dit qu’il lui en coûtait 200 florins à La Haye, autant à Amsterdam, et 40 écus à Londres. »

Ce service d’informations était susceptible d’une grande extension. Chevrier annonce en 1762 « une correspondance établie dans toutes les villes capitales et autres principales de l’Europe. Soixante-douze personnes sout chargées d’amasser les faits et de les envoyer au bureau. »

Combien de nos journaux pourraient se prévaloir de correspondans aussi nombreux ? Il est vrai que l’abonnement à la gazette manuscrite de Chevrier coûtait 240 livres, c’est-à-dire cinq ou six cents francs de notre monnaie.

« Les gazetiers, écrit Madame Palatine, mettent dans leurs feuilles ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas, pourvu que la page soit pleine. » Et Marivaux s’égaie à son tour, aux dépens de « ces nouvellistes qui font des nouvelles quand ils n’en ont point, ou qui corrigent celles qu’ils reçoivent, quand elles ne leur plaisent pas. » Flins des Oliviers, dans le Réveil d’Epiménide, silhouette nos personnages d’une plume pittoresque :

Gorgi, nouvelliste « à tant la ligne » — on voit que rien