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années où la récolte manque en Périgord et que la truffe se vend 25 ou 30 francs le kilogramme. La limite inférieure, encore rémunératrice, est 8 francs.


VI

Si vous interrogez en Basse-Provence un citadin ou un paysan, un bourgeois comme un homme du peuple sur les origines de sa famille, il est bien rare qu’il ne réponde, sur un ton plus ou moins affirmatif, que son père, son aïeul ou ses ascendans sont venus d’une ville ou d’un village des Basses-Alpes. De tout temps, l’homme, comme la goutte d’eau qui glisse inévitablement le long de la pente, éprouve la tentation de quitter les vallées supérieures, où l’existence est rude, le travail peu abondant et mal payé, la nourriture médiocre, pour s’installer dans le bas pays où l’on gagne sa vie sans grande fatigue, avec des chances de s’enrichir.

Pour continuer la comparaison, on peut dire que les montagnes des Basses-Alpes, boisées jadis, retenaient mieux la précipitation des eaux qu’aujourd’hui et empêchaient le liquide de se perdre dans la mer, de même que les habitans demeuraient plus volontiers autrefois sur ces versans alors fertiles et frais. Il paraît malheureusement moins difficile de maintenir le sol en le reboisant que d’entraver cet exode qui dévale comme la terre balayée par les eaux d’orage.

Donc, déjà sous l’ancien régime, la Haute-Provence cédait à la zone ou aux cités du littoral une grande quantité d’émigrans, dont les uns s’établissaient sans esprit de retour dans les territoires mieux favorisés que le leur, et les autres ne se déplaçaient que temporairement pendant les longs loisirs forcés que leur imposait la rigueur de l’hiver alpin. Lorsque revenait la belle saison, ils remontaient chez eux pour cultiver leur terre. C’était le cas de beaucoup de cultivateurs ou bergers de la viguerie de Castellane, du territoire de Seyne au Nord de Digne. Dans le pauvre village épiscopal de Senez, on ne rencontrait en hiver que des vieillards, des femmes et des enfans.

Seyne n’est pas très éloigné de la vallée de Barcelonnette. Dans cette dernière petite ville et en amont, on fabriquait avant la Révolution force draps grossiers plus durables qu’élégans, et même des soieries ; cette industrie occupait un assez grand