Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses loisirs à coudre, à faire son ménage, et se trouve, aussi bien qu’un homme, capable de veiller aux archives et de tenir les écritures municipales.

Pourquoi, dira à ce propos, en généralisant le sujet, un étranger au pays, ne pas pratiquer des coupes sombres dans ce personnel d’agens des postes et télégraphes inoccupés, de notaires, percepteurs, fonctionnaires de l’enregistrement, oisifs, de juges de paix et de magistrats sans plaideurs, d’avoués, d’avocats sans causes, d’huissiers inactifs… et ainsi de suite ? Mais, répliquera le Provençal de la montagne, ne suis-je pas contribuable au même titre que le Flamand ou le Comtadin ? Pourquoi m’obliger, moi qui communique déjà péniblement avec mon chef-lieu de canton et ma sous-préfecture, à me déplacer encore plus loin pour remplir la moindre formalité, et cela dans un pays mal pourvu de voies et surtout de moyens de communication. « Nous avons un passé, une tradition, ajoutent les petites villes, et notre modeste personnel administratif et judiciaire ne peut nous être enlevé sans consommer notre ruine. »

Il est très facile, ce nous semble, d’accorder en pratique l’intérêt des Bas-Alpins avec le bon sens : il suffirait d’une simple loi applicable aux départemens pauvres, autorisant ce que Harpagon réalisait avec maître Jacques, ce qui se faisait souvent sous l’ancien régime, et ce qui se passe encore dans la libre Amérique : la fusion des emplois. Le notaire ne peut-il, par exemple, remplir les fonctions de juge de paix ? le percepteur, d’agent d’enregistrement ? et ainsi de suite, car nous pourrions prolonger encore longtemps la liste. De cette manière, le. contribuable conserverait sans déplacement obligatoire tous les services à sa portée, et le fonctionnaire aurait assez d’occupations au sein de son exil pour le trouver moins dur ; ses profits d’ailleurs en seraient augmentés et, en fin de compte, il y aurait avantagea le choisir parmi les gens du pays qui sont intelligens et studieux.

En ce qui concerne les cinq tribunaux des Basses-Alpes, dont un médiocrement occupé et les quatre autres ne jugeant pas cinquante affaires par an, il y aurait mieux qu’une transaction à proposer. On pourrait les vivifier en permettant aux parties de transporter à leur gré devant ces petits sièges les causes surabondantes qui engorgent les audiences des grands tribunaux. Au prix de deux ou trois voyages en chemin de fer ou d’autant d’excursions en automobile, quel plaideur de Marseille ou de