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Nice ne préférerait voir son procès conduit et tranché rapidement à Forcalquier ou Castellane devant des juges non surmenés ? En somme, simple question de procédure civile facile à réglementer, et dont la solution favoriserait à la fois les justiciables et tout le personnel des tribunaux de dernier ordre.

Terminons au plus court par un pressant appel aux pouvoirs publics en faveur de ce malheureux territoire qui , malgré sa faible population , a fourni à la France plus d’hommes distingués que tel beau département du Centre, dans lequel la vie est trop facile pour aiguillonner les vocations. Sortira-t-il désormais des hautes vallées ou des bords de la Durance des hommes comme Gassendi, l’amiral Villeneuve, Hippolyte Fortoul, Manuel ? Nous craignons que non. Mais encore faut-il conserver à tout prix quelques habitans autochtones à ces débris de hameaux et éviter que nos petits-neveux, après le succès du reboisement que nous souhaitons fort, ne répètent pas le mot d’un érudit du terroir parlant d’un village de la région que les forestiers ont reconquis : « Charmant quartier à présent... mais il n’y reste plus personne. »

Réagissons toutefois contre cette conception trop absolue de l’Etat-Providence. Sans doute les Basses-Alpes ont grand besoin d’être aidées, mais elles disposent aussi de ressources intrinsèques : produits agricoles spéciaux et choisis dont nous n’avons même pas donné la liste complète, réserve de trois cent mille chevaux de force hydraulique qui actionneront des usines locales et feront mouvoir les tramways électriques, lesquels suppléeront aux chemins de fer pour transporter les touristes en été, et les marchandises en toute saison. Déjà les hôtels modernes fonctionnent, et les automobiles circulent dans ces contrées si isolées jadis. Le progrès moderne à son aurore a failli tuer les Basses-Alpes ; peut-être le développement de ce même progrès les sauvera-t-il, pour peu qu’on les secoure à temps.


ANTOINE DE SAPORTA.