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avec elles, mais à une condition, qui est de ne rien faire. Le jour où les circonstances imposent l’obligation de prendre des mesures graves, de déposer par exemple des projets de loi qui engagent en sens opposés les principes directeurs et les programmes des groupes artificiellement réunis dans une même majorité, tout est perdu ; radicaux et conservateurs s’en vont, ceux-ci d’un côté, ceux-là de l’autre, et la fiction dont vivait le gouvernement se dissipe aussitôt. C’est à cette épreuve que le prince de Bülow, ne pouvant sans doute pas faire autrement, a soumis sa majorité, qui, naturellement, s’est dissoute. Il devait, lui aussi, trouver cinq ou six cents millions d’impôts nouveaux. Où les prendre ? Sans entrer dans des détails qui seraient trop complexes, nous nous contenterons d’indiquer les deux pôles autour desquels toute l’affaire a gravité. Le prince de Bülow demandait une centaine de millions à un impôt sur les successions en ligne directe, dont les conservateurs ne voulaient entendre parler à aucun prix : les impôts de ce genre, qu’ils accusent d’ébranler la base même de la famille, ont toujours été très impopulaires auprès d’eux. Ils proposaient à la place un impôt sur les opérations de Bourse et une augmentation des impôts indirects qui, à l’exception de l’impôt sur la bière, sont très inférieurs en Allemagne à ce qu’ils sont en France Entre les deux systèmes, aucune conciliation n’a été possible. Le prince de Bülow a prononcé un discours comme il sait les faire : l’habileté, la souplesse, la séduction ont toujours été ses qualités maîtresses ; il est resté diplomate avant tout. Cette fois pourtant, le Reichstag est resté insensible aux avances qu’il faisait tantôt à un groupe, tantôt à un autre, finalement à tous, même aux socialistes sur lesquels il comptait. Il comptait sur eux avec raison, car les socialistes sont toujours prêts à voter les aggravations d’impôts sur les successions, pour les mêmes motifs qui portent les conservateurs à les repousser. Mais ces derniers sont restés inébranlables. En vain M. de Bülow a-t-il rappelé tous les services qu’il leur avait rendus ; en vain les a-t-il assurés qu’ils ne trouveraient jamais un chancelier qui leur en rendit davantage ; en vain leur a-t-il dit qu’il fallait tenir compte des libéraux qui avaient, eux aussi, joué un rôle important dans la fondation et dans le développement de l’Empire : tout cela était vrai, mais est resté inutile, inopérant comme on dit au Palais. Quant au centre catholique, il tenait sa vengeance ; on ne pouvait, guère attendre de lui qu’il la laissât échapper. Il n’aime pas beaucoup plus que les conservateurs l’impôt sur les successions. Pourquoi donc aurait-il voté pour lui ? Pour sauver le chancelier ? C’est plus qu’on