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devenu non plus un flatteur du peuple. Pour qu’il parle de la population parisienne comme il le fait, il faut qu’elle ait conquis son estime et forcé son admiration.


IV

Comment ces mérites se sont-ils évanouis ? Comment l’admirable Paris du siège a-t-il été remplacé par le Paris de la Commune ? Dès les premiers jours de l’investissement apparaissaient des symptômes inquiétans. Un travail souterrain se faisait contre le gouvernement de la Défense nationale. Pour des gens comme Blanqui, comme Félix Pyat, comme Flourens, la République du 4 septembre, gouvernée par des bourgeois, ne répondait ni aux instincts, ni aux besoins de la démocratie. Ils ne dissimulaient pas leurs projets, ils annonçaient l’intention d’y substituer un gouvernement plus démocratique et, sans l’énergie de Jules Ferry, ils y auraient réussi le 31 octobre. Vaincus depuis lors, mais non découragés, ils attendaient leur heure. Cette heure devait venir, lorsque la population parisienne, longtemps confiante dans le génie militaire du général Trochu, longtemps bercée d’illusions et de promesses, finirait par s’apercevoir qu’il était plus facile à ses gouvernans d’improviser des phrases lapidaires que d’accomplir des actes libérateurs. Elle avait encore dans l’oreille les grands mots par lesquels on avait essayé de la galvaniser : — « Ni une pierre de nos forteresses, ni un pouce de notre territoire. — Je ne rentrerai dans Paris que mort ou victorieux. — Le gouverneur de Paris ne capitulera pas. » Et toute cette littérature aboutissait à la capitulation. Les deux millions d’hommes qui venaient de traverser si vaillamment la longue épreuve du siège n’étaient plus guère en état de raisonner avec sang-froid. La fièvre obsidionale les maintenait depuis des mois dans une sorte de surexcitation nerveuse qui les rendait accessibles à toutes les suggestions de la colère et du désespoir. Ils avaient tant souffert, ils avaient tant espéré qu’ils s’en prenaient à leurs chefs de la cruauté de leurs déceptions. Dans tous les quartiers de Paris, on n’entendait que des imprécations contre les généraux et contre les ministres.

La Commune est née de là, d’une irritation générale habilement exploitée par les démagogues. Pendant les jours qui ont suivi la capitulation, on n’aurait pas trouvé un Parisien sur cent