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de louanges, Louis XIV surtout, « cet auguste monarque, » « cher à la nation, » qu’on accuse ses sujets d’avoir trop vanté, « mais qui, pour leur justification, n’a pas été moins célébré par l’Europe entière. » Puis ce sont les complimens au roi actuel, à la reine, dont le nom est évoqué avec une émotion attendrie, l’allusion à l’enfant royal qu’on espère, qu’on attend, qui sera « le précieux gage » de la félicité ultérieure de la France. Bref, rien n’y manque de tout ce que Chamfort devait cruellement railler dans la suite. Plus tard, il n’aura pas assez de moqueries pour ces « ridicules usages ; » mais il a commencé par s’y soumettre sans répugnance. Plus tard, les discours de réception ne lui sembleront qu’un « volumineux verbiage, » une « insipide collection, » qu’il faut rejeter avec mépris[1]. Mais son discours à lui, par la façon généralement assez terne dont il est écrit conimo par les flatteries qu’il prodigue aux puissances, par les banalités qu’il renferme sur un moyen âge de convention ou sur l’amitié des deux frères de La Curne, n’est. peut-être pas indigne de figurer dans « l’insipide collection. » Aussi bien, c’est une œuvre dont on ne s’occupe plus guère, qu’on ne lit plus. Nous dirons d’elle ce qu’il dit lui-même de tout le recueil académique, qu’elle « va s’enfonçant dans l’oubli de tout le poids de son immortalité. »


II

Une des Pensées de Chamfort est singulièrement impertinente pour l’Académie. Selon lui, « l’Académie ressemble à la Cydalise de Gresset :


Ayez-la, c’est d’abord ce que vous lui devez ;
Et vous l’estimerez après, si vous pouvez[2]. »


Il avait fini par l’avoir. Pendant les premiers mois de cette possession tant souhaitée, il fut fort assidu auprès d’elle ; mais sa passion ne tarda pas à se refroidir. Si l’on consulte le registre des séances, on voit, que dès le début de 1782, ses visites à l’Académie deviennent de plus en plus rares, pour cesser bientôt tout à fait. Il n’assiste même pas le 27 mai à la réception solennelle du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse de Russie « voyageant sous le nom

  1. Éd. Auguis, I, p. 265.
  2. Éd. Auguis, I, p. 428.