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aussi vieux qu’ils le pensent, puisque leur fils se livre à des jeux puérils.

Notre mentalité occidentale ne peut pas concevoir que des parens aient la cruauté de sacrifier eux-mêmes leurs enfans s’ils jugent que l’honneur ou le loyalisme l’exigent. Une telle action paraîtra naturelle à un Japonais ou à un Chinois. L’autorité absolue du chef de famille est un dogme. Personne ne songerait à le discuter.

On dit le Japonais irréligieux. Ce n’est pas exact. Dans chaque maison est l’autel de famille, où pur des planchettes sont inscrits les noms des parens disparus. A certains jours, des marques de respect sont données aux morts, et aussi des offrandes.

Le Shintoïsme, actuellement religion officielle de l’Empire, n’est en réalité que le culte des ancêtres. Le mot « Shinto » signifie la voie des Dieux. Il était jadis appliqué à une sorte de mythologie et d’adoration de la nature, qui se transmit par tradition, jusqu’à l’époque de l’introduction du Boudhisme vers 552 de notre ère. Les deux religions se sont bientôt pénétrées. Le Boudhisme, très tolérant, accepta facilement comme une de ses branches une religion qui n’a ni dogmes, ni livres sacrés, ni code moral et d’autre part, comme il admet un grand nombre de boudhas successifs, il décida que le premier Empereur japonais devait être l’un d’eux. La mythologie shintoïste est donc fondée sur l’origine divine de la famille impériale. Elle peut se résumer ainsi : — A l’origine, la terre sacrée du Japon est habitée par les Dieux. L’homme ayant paru, des alliances se forment entre lui et les Dieux qui ne tardent pas à se retirer dans les régions célestes. Le dieu Iranagi, créateur du Japon, a une fille, Ama-Terazu, déesse du Soleil. Cette déesse décide que la terre sera mise sous le sceptre d’un de ses enfans, et c’est ainsi qu’elle investit de l’autorité impériale son fils Simmu-Tenno, premier mikado, en l’an 660 avant Jésus-Christ. — Les historiens officiels tracent avec grand soin la généalogie impériale depuis cette date jusqu’à nos jours, où l’empereur Matzuhito, né le 3 novembre 1852 et monté sur le trône en 1867, se trouve être le 129e empereur du Japon.

De cette origine divine reconnue par tout son peuple, l’Empereur tire une puissance morale devant laquelle tout s’efface. Pour le Japonais, l’hommage dû aux Dieux se confond avec celui