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qui est dû aux ancêtres impériaux. Ce sentiment est de même essence que la piété filiale et conduit au culte de l’Empereur vivant, par conséquent à la souveraineté de ses décisions. Les milieux les plus cultivés, tels que les professeurs de l’Université impériale de Tokyo, aussi bien Européens que Japonais, ne se permettraient pas la moindre suggestion pouvant faire penser qu’ils doutent de cet article de foi. Comme l’enseignent les préceptes chinois, l’Empereur est le père et la mère de son peuple et tout l’Orient reconnaît que les parens ont droit de vie et de mort sur leurs enfans. Le loyalisme du Japon à son Empereur est ainsi la forme particularisée du culte des ancêtres, et le patriotisme se confond dans le même sentiment. Le sol sacré n’est-il pas fait de la cendre des morts ? Il n’a jamais subi d’invasion et ne saurait en subir. Lorsque, à la fin du XIIIe siècle, le Mongol Kublaï Khan somma les Japonais de se soumettre à son immense Empire, ils répondirent en coupant la tête des deux ambassadeurs et, se soulevant en masse, ils détruisirent la flotte envoyée pour envahir le pays. La vie des Japonais n’obéit qu’à une règle simple ; l’obéissance complète à l’Empereur, telle qu’elle est due à un père et en outre à un mandataire divin. Les révoltes qui à plusieurs reprises ont ensanglanté le Japon semblent démentir ce qui précède : un exemple montrera que cette contradiction n’est qu’apparente. Vers 1876 le commandant en chef des troupes impériales était le maréchal Saïgo-Takamori, devenu le personnage le plus important de l’État, en raison de son dévouement à l’Empereur. Il s’était attaché à réaliser son désir d’organiser l’armée d’après les méthodes européennes et, en 1874, grâce à ses efforts et à ceux des missions militaires françaises envoyées en 1868 et en 1872, les forces impériales comptaient 70 000 hommes de troupes instruites. En 1876, un mouvement anti-européen se produisit. Il amena la rébellion de Higo énergiquement réprimée ; mais, en 1877, le maréchal lui-même estima que le gouvernement choisi par l’Empereur faisait fausse route dans son engouement extrême pour les idées européennes, que lui, Saïgo, avait été un des premiers à accepter. Il craignit que les usages nationaux et les traditions du vieux Japon ne fussent compromis. Il se mit à la tête de 40 000 hommes dévoués et attaqua les troupes impériales qu’il avait lui-même organisées. Ce fut la terrible rébellion de Satzuma qui dura huit mois, et dans laquelle les pertes furent énormes des deux côtés. Dans une dernière