Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bataille, après que 18 000 des siens furent tombés, le maréchal fut blessé à la cuisse et, pour ne pas tomber vivant aux mains de ses adversaires, il se fit trancher la tête par un de ses fidèles. Ce rebelle a maintenant sa statue dans le plus beau site de Tokyo, à Ueno Park. Elle a été érigée par ordre de l’Empereur, car personne ne s’est jamais révolté contre sa souveraineté. Des dissidens ont pu se tromper en prenant les armes contre son gouvernement, mais en se révoltant ils croyaient servir l’Empereur en sujets loyaux et fidèles. Une erreur ne doit pas empêcher de rendre justice à leur loyalisme et de l’honorer publiquement. Un autre fait a empêché l’Europe de se rendre compte de la portée de ce dévouement à l’Empereur. Pendant longtemps, elle a cru que le Japon avait deux souverains : l’un religieux, le « Mikado ; » l’autre politique, le « Taïcoun. » C’était là une erreur qui plusieurs fois eut des conséquences fâcheuses. Les diplomates s’adressaient au personnage qu’ils nommaient Taïcoun auquel ils donnaient le titre de « majesté » et passaient avec lui des conventions sans valeur puisqu’elles ne portaient pas le sceau impérial. Son nom véritable était « Shogun » qui signifie généralissime. Dans leurs rapports avec l’étranger, certains shoguns, sans doute pour augmenter leur prestige, prirent le titre de « Taïcoun, » c’est-à-dire « grand prince. » Aucun d’eux ne s’est jamais déclaré Empereur, et il n’y a jamais eu qu’un seul Empereur, quelquefois sans autorité, mais au nom de qui le pouvoir a toujours été exercé. Le shogun représentait le pouvoir exécutif ; discutable ; le mikado restait le souverain indiscutable parce que divin. La nation ne les a jamais confondus et son loyalisme s’est toujours fixé sur l’Empereur. Le système du shogunat s’est maintenu depuis 1190 jusqu’en 1867 et pendant cette période de sept cents ans il a exercé une action considérable sur le moral de la nation. Il convient donc d’entrer dans quelque détail sur son fonctionnement.

Jusqu’en l’an 500 de notre ère, l’histoire du Japon appartient surtout à la légende et les documens pour la fixer font défaut ; mais à partir de 532, époque où le boudhisme fut importé par ses missionnaires venant de Corée, la critique peut s’exercer sur un terrain ferme, grâce aux livres conservés. Avec le boudhisme, la civilisation chinoise s’introduisit et avec elle la coutume de l’abdication du Souverain, qui lui permettait de consacrer ses dernières années à la prière. Cet usage conduisit à l’effacement