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familles féodales des Satzuma et des Choshu, qu’il n’aurait pas pu réduire, il parvint à pacifier le pays. La cour impériale respectueusement traitée lui attribua la charge de shogun à titre héréditaire. Cette dynastie des Tokugawa durait encore, lorsqu’en 1853 se produisit l’intervention du commodore américain Perry, qui devait avoir des conséquences si importantes. La féodalité et le shogunat se sont maintenus pendant des siècles jusqu’en 1868 ; aussi l’âme japonaise s’est-elle imprégnée de la mentalité de ce régime. La population était alors partagée en quatre classes. La noblesse, — daïmyos et samuraïs, — les paysans, les artisans et les commerçans. Les daïmyos, seigneurs de leurs terres, vivaient, comme au moyen âge, dans leurs châteaux fortifiés et assuraient la protection de leurs vassaux moyennant certaines redevances. La guerre était pour eux une nécessité. Les enfants élevés dans un tel milieu se faisaient un idéal d’honneur, de gloire et d’ambition. Il en était de même de leurs hommes d’armes, les samuraïs. Ce nom désignait toute la classe militaire qui de droit faisait partie de la noblesse, car, dans la conception japonaise, tout noble doit être soldat et tout soldat est noble.

L’éducation des samuraïs, leurs occupations, leur code inflexible sur les questions d’honneur, toute leur atmosphère mentale, étaient dirigés vers un seul idéal, la guerre. L’obéissance passive et enthousiaste à leurs chefs féodaux, le loyalisme et la fidélité absolus jusqu’à la mort, étaient une religion dont aucun n’eût songé à s’affranchir. La parole d’un samuraï le liait pour la vie. Il y a là certains points de ressemblance avec notre ancienne chevalerie, sauf en ce qui concerne le rôle de la femme, qui au Japon était très effacé. Le duel était remplacé par la pratique du suicide nommée « harakiri. » L’insulté se suicidait, ce qui obligeait, son adversaire à en faire autant. Cette pratique existe encore. C’est une des manifestations de l’énergie japonaise, et, à ce titre, il est utile de l’examiner. Il y a deux sortes d’harakiri : l’obligatoire et le volontaire. Le premier est une faveur accordée par le gouvernement à toute la classe noble. Le condamné à mort est autorisé à se suicider au lieu d’être livré au bourreau. Des personnages officiels sont envoyés comme témoins, à l’endroit où le suicide doit avoir lieu, généralement un temple ; le condamné s’assoit sur ses talons, face à l’autel, lie les manches de son vêtement à ses genoux, — car un homme noble ne doit tomber qu’en avant, — s’enfonce dans le ventre à gauche une