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dague, le wakizashi, et la ramène lentement à droite. Un ami, placé d’avance à côté de lui et qui suit tous ses mouvemens, se lève vivement et lui tranche la tête d’un coup de sabre. Cette coutume est en ce moment abolie, provisoirement peut-être. Toutefois, l’harikiri volontaire existe toujours. Il se pratique pour différentes raisons : insulte considérée comme entraînant la perte de l’honneur, car la vie sans l’honneur est tenue pour impossible, et celui qui l’accepterait serait mis à l’écart et abandonné même par sa famille ; loyalisme pour un chef auquel on ne veut pas survivre. Souvent aussi il est accompli en manière de protestation contre une décision supérieure, lorsque tous les autres moyens pour la changer ont été épuisés. Un exemple fera mieux saisir cette conséquence d’une mentalité qui nous est inconnue. Un lieutenant Ohara-Takeyoshi, alarmé des empiète mens probables de la Russie en Corée, avait essayé de convaincre le gouvernement de la nécessité de s’y opposer. Tous ses efforts ayant été vains, il résolut de se suicider, espérant que sa mort produirait plus d’effet que ses paroles. Il envoya à l’agence de la Presse à Tokyo un document indiquant les motifs de sa résolution et se rendit aux tombes de ses ancêtres dans le temple de Saïtokuji à Tokyo, où il fit l’harakiri avec le cérémonial traditionnel. Sans doute ce suicide n’amena aucune action immédiale ; mais qui peut dire si l’émotion produite dans le public a été sans influence sur le mouvement belliqueux de 1904 ? Lorsqu’on 1895 le gouvernement japonais, cédant à la pression de la Russie, de l’Allemagne et de la France, rétrocéda à la Chine la presqu’île conquise du Liao-Tung et de Port-Arthur, plus de quarante officiers se suicidèrent pour protester contre ce qu’ils considéraient comme une faiblesse. Parfois des femmes de qualité se suicident pour ne pas survivre à leur mari, s’il est mort en héros. En 1895, lorsque la nouvelle de la mort du lieutenant Asada, tué à l’ennemi, parvint à sa jeune femme, celle-ci, après avoir revêtu sa plus belle parure, se prosterna devant le portrait de son mari et, selon la coutume consacrée pour les femmes, se tua d’un coup de poignard dans la gorge. Préalablement et comme il est d’usage, elle avait reçu le consentement de son père. Parmi les troupes, on cite aussi des cas de suicide collectif. Le 26 avril 1905, le vapeur japonais Kiusba-Maru, portant environ 1 200 hommes, fut capturé par un croiseur russe et sommé de se rendre. Un délai d’une heure était donné. Les Japonais