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le rapport de la bravoure et de l’énergie, les Européens étaient loin de les valoir. Dès lors, en 1904, les positions russes devaient être attaquées avec la vigueur que l’on sait, La dernière guerre n’est pas faite pour diminuer la confiance de la nation en elle-même et dans ses chefs. C’est une épopée dont le peuple constate la vérité par la vue des trophées conquis, actuellement dispersés dans tout le pays et placés à l’entrée des temples. Les récits héroïques se répètent et servent d’exemples. On cite les noms de soldats qui, tombés blessés aux mains des Russes et revenus après la guerre dans leurs villages, se sont vus traités en proscrits et se sont suicidés. Pendant la bataille de Moukden, un régiment séparé de l’armée s’est retranché dans l’enceinte des tombes impériales de l’Ouest. Sans artillerie, cerné par les Russes et sommé en vain de se rendre, il a été couvert de mitraille pendent deux jours. Lorsque ses débris furent dégagés, il ne restait pas un homme sur six. De tels faits ne sont pas qualifiés héroïques, mais considérés comme le simple accomplissement du devoir. Cet état d’âme, dont l’origine réside, comme il a été dit, dans le culte des ancêtres, est encore grandi parle sentiment que possède maintenant tout soldat qu’en entrant dans l’armée il entre dans la classe noble. Par cela même qu’il porte les armes, il devient samuraï ; dès lors il en prend la mentalité.

Le soldat est traité par ses officiers avec une grande bienveillance et avec les égards que se doivent entre eux les gens de même classe. Les officiers s’occupent sans cesse de leurs soldats. Généralement ils sont dans les casernes dès le matin et les quittent rarement avant une heure avancée de l’après-midi. On peut dire que l’officier japonais consacre toute sa vie à ses hommes et à l’étude. Dans les casernes, des salles d’honneur rendent l’étude facile. En outre, les officiers de tous grades prennent ensemble le repas de midi. Il ne dure que quelques instans, se composant uniquement de riz, de quelques condimens, quelquefois d’un peu de poisson et de thé sans sucre. La sobriété des officiers de tout grade n’a d’égale que celle de leurs hommes.

Le soldat est instruit d’après les préceptes du « Bushido. » Ce code de morale guerrière n’a jamais été écrit, et, néanmoins, il est connu de tous. Ses principes exercent une telle influence sur l’esprit de la nation qu’il est intéressant d’examiner comment les Japonais les comprennent.