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Hohenlohe que l’Empereur rendait responsable. Le prince Philippe répondit de Prague, où il séjournait alors, qu’il n’avait été en aucune façon mêlé à la publication des Mémoires de l’ancien chancelier ; que ces Mémoires étaient la propriété de son frère Alexandre qui les avait fait paraître en employant à cet effet le docteur Curtius désigné par le prince Clovis. Quant à lui, il se disait également indigné et il comprenait la juste irritation de l’Empereur à ce sujet. Cette réponse détourna les foudres impériales de la tête du prince Philippe et les dirigea sur celle du prince Alexandre, qui allait, pour son audace, perdre la situation de préfet de la Haute-Alsace à Colmar.

Avant de rapporter la justification que ce prince donna de sa conduite en cette circonstance, il convient de mentionner et de résumer brièvement certains passages des Mémoires qui avaient ou paraissaient avoir excité plus particulièrement le courroux de Guillaume II. Je les prends dans l’édition allemande[1], car au moment où j’écris cet article, la traduction française du troisième volume des Mémoires n’avait pas encore été publiée. Il s’agissait surtout des propos qui soulignèrent la démission du prince de Bismarck. Le prince Clovis, statthalter d’Alsace-Lorraine, écrivait de Strasbourg, le 31 mars 1890, que l’Empereur avait raconté aux généraux commandant les corps d’armée que les causes du départ de Bismarck étaient les procédés sans mesure avec lesquels le chancelier faisait opposition à la volonté souveraine sur divers points. « L’Empereur avait ensuite fait part aux chefs de corps de l’intention de la Russie qui voulait occuper militairement la Bulgarie et désirait pour cela obtenir la neutralité de l’Allemagne. Il avait répondu au Tsar qu’il avait promis à l’empereur d’Autriche d’être un allié fidèle et qu’il tiendrait parole. L’occupation de la Bulgarie par les Russes eût été la guerre avec l’Autriche, et il ne pouvait abandonner cette puissance. » Le prince Clovis ajoutait : « Il paraît de plus en plus que les divergences de vues entre l’Empereur et Bismarck au sujet des projets russes ont conduit à la rupture. Bismarck voulait laisser l’Autriche en plan. Or, l’Empereur entendait marcher avec l’Autriche, même au risque d’être entraîné dans une guerre avec la Russie et la France. À ce propos, je m’explique le mot de Bismarck, qui disait que l’Empereur faisait

  1. Denkwurdigkeiten des Fürsten Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst. — Stuttgard und Leipzig, 1907, 2e B4.