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de la politique à la façon de Frédéric-Guillaume IV. C’est là le point noir pour l’avenir. »

Le but que se proposait Bismarck était de paralyser l’alliance franco-russe et de maintenir de bonnes relations allemandes avec la Russie. Inquiet de voir celle-ci se rapprocher de la France, craignant une union qui menaçât toute son œuvre, il n’aurait pas hésité à abandonner momentanément l’Autriche, même au mépris de la Triple Alliance, et à faire savoir à Saint-Pétersbourg qu’assurés de la neutralité allemande, les Russes pouvaient aller de l’avant. Mais Guillaume II vit dans cette politique hardie un manque de foi envers l’Autriche. Il le dit et il manifesta nettement son opposition, quand même l’alliance de l’Empire russe avec la République française aurait pu s’ensuivre. C’est ce qui détermina plus tard Bismarck à lui répondre : « Ma résolution de prendre ma retraite a été confirmée par le fait que je me suis convaincu que je ne pouvais plus défendre la politique étrangère de Sa Majesté. Quoique ayant confiance dans la Triplice, je n’ai cependant jamais pu perdre de vue la possibilité que cette alliance pourrait cesser de fonctionner. En Italie, la monarchie ne repose pas sur des bases solides. L’entente entre l’Italie et l’Autriche est mise en danger par les irrédentistes. L’opinion en Autriche peut changer. Quoiqu’on puisse avoir confiance dans l’Empereur actuel, il est impossible d’être jamais sûr de l’attitude de la Hongrie qui pourrait avoir avec l’Autriche des démêlés dont nous devons être très éloignés. Aussi, me suis-je toujours efforcé de ne jamais rompre le pont qui nous relie à la Russie et je crois avoir fortifié le tsar Alexandre à ce point que je ne crains presque plus la guerre russe dans laquelle il y aurait peu à gagner, même en cas de victoires[1]. » Voilà ce qu’on révélait après la mort du prince de Bismarck et ce qu’il avait lui-même laissé entendre dans sa lettre de démission à l’Empereur, datée du 18 mai 1890 : « Il ne m’est pas possible, y disait-il, de me conformer aux instructions que Votre Majesté me donne dans sa lettre confidentielle d’hier relativement à nos affaires extérieures. Si je m’y conformais, je mettrais en péril tous les résultats importans pour l’Empire allemand que, d’accord avec les deux prédécesseurs de Votre Majesté, j’ai obtenus dans nos relations avec la Russie, résultats dont l’importance dépasse toute

  1. Extrait du Leipziger neueste Nachrichten du 6 novembre 1906. — Projet de déclaration confidentielle sur les motifs de ma retraite. — Bismarck.