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des Mémoires et la situation internationale à ce moment. N’y avait-il pas dans tout ce tapage le désir d’opposer ouvertement sa sincérité personnelle à la duplicité de l’ancien chancelier, d’affermir en Autriche l’adhésion à l’alliance avec l’Allemagne et de contrecarrer en même temps la diplomatie franco-anglaise ? C’est ce que croyait, entre autres, le Tagblatt de Vienne qui estimait que la publication des fameux Mémoires arrivait à un moment très opportun. D’autres hypothèses se présentent encore à l’esprit. Il est possible que Guillaume II ait été mécontent d’entendre dire, d’après les Mémoires de Hohenlohe, qu’il s’était trop embarrassé des obligations provenant de la Triple Alliance et qu’il n’avait pas su, comme Bismarck l’y invitait, empêcher la formation de l’alliance franco-russe. Il a dû redouter que cette publication ne provoquât le mécontentement de la Russie. Cependant, celle-ci était depuis longtemps au courant de tout et savait certainement à quoi s’en tenir. Il est encore permis de se demander si le bruit voulu par l’Empereur, au sujet de la publication des Mémoires de Hohenlohe, n’était pas fait pour attirer l’attention de cette même Russie et pour lui prouver que ce n’était pas avec son assentiment que de pareilles notes avaient été mises au jour.

Si une certaine partie de la presse autrichienne semblait considérer la publication comme peu nouvelle et nullement anormale, une autre partie voyait dans le télégramme du souverain un acte inopportun et impolitique. En Allemagne, les avis étaient assez partagés. Naturellement, la presse officieuse approuvait. La presse indépendante ou socialiste s’amusait fort des révélations qui mettaient certains personnages de marque en mauvaise posture. Les Bismarckiens trouvaient la publication déplacée et, devant l’aveu du désaccord entre le souverain et l’ancien chancelier au sujet de la question russe, disaient que, si Bismarck vivait encore, il publierait le troisième volume de ses Pensées et Souvenirs, dont le manuscrit est déposé dans un coffre-fort de la Banque d’Angleterre et dont Maximilien Harden a dit : « Quand ce volume paraîtra, Byzance tremblera ! » Mais les héritiers mineurs du prince et sa sœur, la comtesse de Rantzau, n’avaient en aucune façon la pensée, ni le pouvoir de faire à leur tour un bruyant éclat. On voit par toutes ces considérations combien le télégramme de Guillaume II soulevait de suppositions, qu’on ne peut accuser d’être trop risquées. Quant à y