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chercher quelque connivence machiavélique, ourdie avec l’éditeur des Mémoires, je ne crois pas qu’il faille aller jusque-là. Contentons-nous de dire que le télégramme bruyant de Guillaume II fit aux Mémoires de Hohenlohe une réclame prodigieuse, réclame que plus d’un auteur aurait certainement enviée comme la meilleure des aubaines.

On peut soulever encore une autre question. Le prince Alexandre ne s’est-il pas exposé par trop de franchise personnelle à l’animosité impériale ? On rapporte en effet que, plus d’une fois, même comme Kreispresident, il s’était laissé aller à de vives et imprudentes critiques contre la politique extérieure de l’Allemagne, politique à double face qui tout en promettant à telle ou à telle puissance son appui sans réserves, l’offrait en sous-main à une autre ; ou qui, en paraissant appuyer avec empressement telle ou telle combinaison, la combattait secrètement, se conformant ainsi aux procédés ambigus, chers au prince de Bismarck. Toujours est-il que le prince Alexandre s’est, par la publication des Mémoires, attiré des reproches amers et une disgrâce presque immédiate, car il avait obéi à la volonté de son père sans consulter d’abord son souverain[1].

Dans un pays où une discipline de fer s’impose à tous, petits ou grands, aux ministres, aux plus hauts fonctionnaires et au chancelier lui-même, où nul ne peut faire un pas, ni esquisser un geste sans l’assentiment du maître, où le moindre acte d’indépendance est qualifié d’acte rebelle, on considère comme une faute impardonnable le fait d’avoir livré à la publicité des notes qui disaient ou qui voulaient dire toute la vérité sur tel ou tel homme, sur tel ou tel incident. Les haines que, de son vivant, le prince Clovis avait suscitées contre lui, se tournèrent naturellement contre un fils trop respectueux de sa volonté.

Qu’a répondu le prince Alexandre ?

Au seuil de l’édition française des Mémoires, il a rappelé que le docteur Curtius avait été désigné par le prince Clovis pour être son collaborateur dans la publication des notes et souvenirs dont le testament de son père lui avait légué la propriété. « J’avais donc, dit-il, un devoir filial à remplir. Je l’ai rempli ; rien de plus. Après cinq années de labeur, le livre parut. C’est alors que

  1. Cette disgrâce fut ainsi annoncée par la Correspondance de Strasbourg ; « S. M. l’Empereur a, dans sa grâce très haute, daigné mettre en disponibilité le prince Alexandre de Hohenlohe. »