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On accoutume notre pays à ne rien voir, à ne rien apprécier par lui-même, à n’avoir que des opinions superficielles et des convictions toutes faites. Et cependant, l’aveugle adoration de héros intangibles, le culte du convenu et de l’indiscuté ne sont pas pour un peuple une bonne école. »

Ainsi parlait celui qu’on avait surnommé en Alsace « le prince rouge, » et dont on avait appris à connaître la liberté d’opinions, la philosophie dédaigneuse et l’esprit caustique. Il y a bien de la ressemblance entre le père et le fils. Si la taille du prince Alexandre est plus grande, il a, comme son père, le front large, l’œil voilé, les pommettes saillantes, la même expression ironique. Cette expression se manifeste nettement en son langage. Mais chez lui, le député n’a pas eu plus de succès au Reichstag que l’administrateur en Alsace. Il n’est pas, comme l’avait été son père, un parlementaire assidu et un fonctionnaire zélé. Ce qui domine en lui, c’est l’esprit d’indépendance absolue. Il n’admet pas qu’on puisse le classer dans tel ou tel parti ou lui imposer telle ou telle opinion. S’il a été appelé le prince rouge, c’est qu’il a une certaine sauvagerie de caractère qui se révolte contre toute soumission. Il l’a bien démontré en éditant les Mémoires de son père sans confier sa décision à personne et sans solliciter le moindre conseil.

On sait maintenant comment a été accueillie cette publication. Voyons ce que les Mémoires ont particulièrement de curieux.


Wer viel einst zu verkûnden hat,
Schweigt viel in sich hinein ;
Wer einst den Blitz zu zùnden hat,
Muss lange — Wolke sein.


Ces quatre vers de Nietzsche que le prince Clovis se plaisait à répéter et qui étaient comme sa physionomie propre, signifient que « celui qui un jour aura beaucoup de révélations à faire, doit garder, en attendant, sa pensée endormie, et que celui qui pourra un jour projeter des éclairs, doit rester longtemps nuage. »

Le prince Clovis de Hohenlohe-Schillingsfürst, né le 31 mars 1819, était le fils du prince François-Joseph qui avait