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passé du service de l’Autriche à celui de la Prusse, puis était devenu membre héréditaire de la Chambre haute et major dans l’armée bavaroise. Le prince Clovis suivit les cours des gymnases d’Ansbach et d’Erfurt, et fut étudiant avec ses deux frères à Gœttingue et à Bonn. Il était encore à l’Université de Heidelberg, quand, le 5 août 1839, il commença déjà à prendre des notes sur sa vie quotidienne. Il écrit que deux de ses meilleurs professeurs siègent à la Diète qu’il déteste. « Je dois prendre sur moi pour ne pas en dire pis sur cette assemblée de rien du tout. Jamais ces établissemens de bavards ne m’ont excédé comme aujourd’hui où nous avons nous-mêmes à en souffrir. Si quelque jour j’ai l’occasion de donner cours à ma bile contre ces maudites institutions, je ne m’en ferai pas faute. » Il ne sait encore, en 1841, quelle carrière il choisira. Si on le refusait dans la diplomatie, il consentirait à entrer dans l’armée anglaise pour suivre l’expédition de Chine. Le 6 avril 1842, il prend du service à Coblentz en qualité de stagiaire près des tribunaux et se donne corps et âme à son nouveau travail. « La vie intellectuelle renaissant, tous les petits soucis extérieurs disparaissent, la vie perd sa monotonie et je commence seulement alors à vivre véritablement. » Mais il n’a pas d’ami sincère avec lequel il puisse échanger ses secrètes pensées. « Hélas ! pourquoi, pauvres mortels, sommes-nous aussi étrangers les uns aux autres ? Pourquoi nous tourmenter dans cette vie aussi brève que misérable ? Et à quelle fin ? Pour mourir ! » Il se plaint de la discipline pédante et sévère à laquelle on l’a assujetti. S’il s’en était affranchi dès l’âge de seize ans, il fût devenu un autre homme, un homme meilleur. Passif de nature, et n’étant jamais sorti de tutelle, il reconnaît que son âme, calme, rêveuse et inactive, doit être arrachée à son laisser-aller, si l’on veut en tirer quelque chose. Elle a besoin d’énergie et de connaissances pratiques et profondes, sous peine de devenir un instrument aveugle ou un être dont le drapeau flotte à tous les vents. Il essaie de faire des efforts personnels pour secouer les derniers vestiges de la tutelle pédante qui pesait sur lui. Il commence déjà à mettre en pratique cette méthode d’observation qui sera la règle de toute sa vie : « Calculer et observer partout et toujours, dit-il, sous une attitude amicale et pleine de bonhomie, tel doit être le but de chaque prince, s’il ne veut pas s’exposer à commettre des sottises, auxquelles tout autre jeune homme n’est pas exposé en raison de