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situation lamentable du nouvelliste. Une opération est devenue nécessaire : elle ne peut se faire en prison. « Le médecin n’en augure rien de bon, » écrit Poussot. Le malheureux fut transporté à l’Hôtel-Dieu. A la date du 16 février 1747, Jean Cabaud de Rambaud était mort.

Le 23 septembre 1747, Feydeau de Marville, lieutenant général de police, prononça la sentence qui devait clore le grand procès des nouvellistes. Les principaux d’entre eux, Tollot, Felmé, Noël, Sarazin et consorts, étaient condamnés à trois années de bannissement hors la généralité de Paris et trois livres d’amende. Au XVIIe siècle, ils auraient été envoyés aux galères. Tous furent mis en liberté. Les sœurs Pomier furent exilées dans leur pays par lettres de cachet. Mais quelques mois sont à peine passés que, rompant son ban, tout ce monde est revenu à Paris. Geneviève Pomier épouse un trompette de chevau-légers. Tollot entre chez le comte de La Marck, sous le nom de La Mothe et se remet à publier des gazetins, en collaboration avec Gaillard, le suisse de l’hôtel ; puis il devient précepteur du fils de Dupleix de Bacquencourt, fermier général et frère du conquérant des Indes. Sarazin revient à Paris également pour y reprendre son métier de nouvelliste. L’inspecteur d’Hémery, chargé de ce qu’on appelle si volontiers aujourd’hui « les rapports avec la presse, » a mission de l’observer. Il lui dresse des pièges, auxquels l’habile publiciste sait régulièrement échapper. Le 8 juillet 1751, d’Hémery parvient cependant à l’arrêter et le conduit au For-l’Evêque, mais sans avoir pu se procurer les preuves nécessaires à sa condamnation, « Il était impossible de le prendre en flagrant délit par les précautions qu’il prenait et la méfiance où il était continuellement. J’ai même eu beaucoup de peine à l’arrêter, attendu que, dans l’endroit où il logeait, il avait une trappe par laquelle il aurait pu se sauver par les toits, s’il en avait eu le temps. »

C’est bien, comme on voit, « l’hydre aux têtes sans cesse renaissantes » dont le commissaire de Rochebrune parle en l’un de ses rapports au Magistrat. Déjà nous avons dit que l’industrie des nouvelles à la main répondait à un besoin : ceux-là étaient les premiers à les lire qui en poursuivaient les auteurs. C’est une de ces contradictions que le libre épanouissement de la vieille France avait produites. Elle ne connaissait pas la contrainte administrative, ni le nivellement législatif ; elle ne connaissait