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prétendait, note Ravaisson, imposer un silence absolu sur les affaires de la Cour et de Paris ; c’était précisément ce qu’il importait de savoir pour un négociant. Le souverain et ses favorites faisaient varier les modes à leur gré. Les marchands avaient tout intérêt à être informés du caractère de ces dames et des vicissitudes de leur crédit, et c’est ce qu’ils trouvaient dans ces bulletins. » Ceux-ci se répandaient par toute la France. « Bien que nous fûmes en province, écrit Mme d’Oberkirch, nous étions fort au courant des modes et des nouvelles de Paris. Plusieurs de nos amis nous envoyaient des bulletins suivis et de véritables gazettes. »

Les négocians entretenaient des nouvellistes à Lyon et à Marseille pour les renseigner sur le mouvement des affaires ; les grands seigneurs fixaient les leurs à la suite des armées, voire, comme le marquis d’Argenson, à la suite des troupes légères qui poursuivaient les Mandrins.

Au point de vue même de la réclame, nos gazettes à la main ne laissaient pas que de rendre des services à leurs lecteurs. Stanislas Poniatowski écrit à Mme Geoffrin :

« J’ai trouvé dans le numéro 7 des nouvelles manuscrites que vous m’avez procurées, que le sieur Saint-Simon, habile mouleur, fait, à un louis pièce, des copies en plâtre d’un buste parfait de Voltaire... Envoyez-moi une de ces copies en plâtre, je vous prie... »

Un trait de la vie de ce même Voltaire indique l’importance qu’un homme comme lui, dans sa haute situation, attachait à la publicité de ces gazettes. Il arrive à Paris le 20 novembre 1742. Quoique souffrant, il mande sur l’heure le chevalier de Mouhy, pour le prier de parler dans ses nouvelles à la main de son Mahomet. Il faut « avertir le public que les trois éditions qu’on en a faites à Paris, ont été imprimées sur des copies infidèles et que la véritable édition est imprimée actuellement à Londres et à Amsterdam. »

Au reste, on pouvait se fier dans une certaine mesure à cette publicité, car le magistrat veillait à ce qu’elle fût de bon aloi. C’est ainsi que, le 8 mars 1744, un nommé Pascurel s’adressait au chevalier de Mouhy pour obtenir de lui quelques lignes dans ses gazetins, au sujet d’une essence balsamique, aromatique et anti-vermineuse, dont il était l’inventeur et dont les propriétés, naturellement, étaient « très étendues. » Il avait fait parvenir au