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rôle que les domestiques, valets, suisses et portiers jouaient dans la boutique des nouvellistes.

Et il en allait de même des affaires d’Eglise. On y vivait de bénéfices. Ceux-ci se donnaient à tort et à travers. Tout le monde en disposait. « Sans cesse, écrit M. le vicomte d’Avenel, on lit des lettres signées par les plus grands personnages, et toutes conçues dans les mêmes termes : un tel, qui a tel prieuré, « est en extrémité de maladie, je vous supplie... ; » ou « je me vois forcé, par la nécessité de notre maison, de vous importuner souvent pour un de mes frères ; je viens d’avoir présentement avis que M. des Yveteaux est mort, ce qui m’oblige à recourir à votre autorité pour obtenir du Roi les abbayes qu’il possédait... Cent personnes se remuent pour atteindre le bénéfice vacant. » Et ces cent personnes désirent connaître les avenues, ou plutôt les sentiers souvent très étroits, embarrassés de taillis et de broussailles, qui y donnent accès. Nous lisons dans les gazettes à la main rédigées par l’abbé Jean Laboureix de la Roche : « M. le duc d’Elbeuf a pour maîtresse la marquise de Saint-Etienne ; c’est elle qui nomme aux cures dont il dispose : il y en a qui. valent de 6 à 7 000 livres. » Voilà des renseignemens dont il était utile d’être instruit, et des premiers, afin de pouvoir en tirer parti et en faire profiter parens et amis.

Aussi tout le haut clergé était-il abonné à nos gazettes et parfois les prélats allaient-ils jusqu’à s’adresser au lieutenant de police en personne pour obtenir de lui le nom d’un de ces nouvellistes, qu’il poursuivait et châtiait avec rigueur, mais qu’il savait bien informés.

Le Roi lui-même lisait les gazettes à la main. On sait de reste que les ministres de Louis XV lui soumettaient les feuilles manuscrites recueillies dans les bureaux de la police ; assez de contemporains en témoignent : Maurepas, Luynes, Argenson, Marville ; mais c’est à tort qu’on n’y a vu qu’un goût du monarque pour les anecdotes galantes : il serait tout aussi juste de reprocher à un honnête bourgeois, qui lit chaque matin son journal, de ne se plaire qu’aux histoires scandaleuses et aux crimes sanglans. Que Louis XV ait eu du goût pour les nouvelles plus spécialement consacrées à la chronique de Cythère, pour celles qu’on nommait les « petites nouvelles, » c’est possible ; mais ce qu’il importe de préciser, c’est que, en désirant prendre connaissance des gazetins, il ne faisait qu’imiter, non seulement