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son prédécesseur Louis XIV, mais les plus graves de ses sujets. Le cardinal de Richelieu s’efforçait d’apprendre par cette voie les mouvemens de l’opinion, Mazarin de même ; Foucquet avait à ses ordres une armée de nouvellistes ; puis Fleury et Maurepas.

Que dire des souverains étrangers ? Les archives de Berlin sont remplies de gazetins que Frédéric II se faisait adresser de Paris. Outre les feuilles manuscrites rédigées par des professionnels, il entretenait en France une série d’observateurs, qui devenaient en fait des professionnels, Marchal, Métra, Thiriot. De ce dernier, Morabin, secrétaire du lieutenant de police, a laissé ce croquis : « Il n’est ni jeune, ni aimable. Il est secrétaire balivernier du roi de Prusse, à qui il envoie toutes les fadaises qui courent Paris. Cet emploi lui vaut 1 500 livres, dont il n’est pas trop bien payé. »

Encore de cette masse de gazettes, feuilles manuscrites, correspondances secrètes, nouvelles à la main, le grand Frédéric ne se contente pas. Il faut encore que ses représentans en France s’improvisent gazetiers. Il écrit, le 8 décembre 1753, à l’un d’eux, le baron de Knyphausen :

« Comme j’ai été accoutumé autrefois d’avoir régulièrement des nouvelles de ce qui se passait à la Cour de France et ailleurs là-bas, des anecdotes et des particularités, moins importantes à la vérité que ce qu’on dit des grandes affaires, mais qui ne laissaient pas que d’intéresser ma curiosité et de m’être utiles, je vous fais cette lettre pour vous ordonner que vous devez vous appliquer à vous bien instruire sur de pareilles choses et de m’en faire, le plus souvent que vous pourrez, votre rapport immédiatement. »

Parfois ses agens parvenaient à happer au passage la feuille de nouvelles manuscrites que la lieutenance de police faisait rédiger chaque semaine pour Louis XV, et ils s’empressaient d’en envoyer le résumé à leur maître.

Marie-Thérèse enfin.

Les nouvelles à la main, qui lui étaient destinées, passaient par le ministère des Affaires étrangères, dont les commis avaient ordre d’en enlever ce qui aurait pu froisser la mère de Marie-Antoinette, car déjà l’opposition inaugurait contre la jeune reine sa campagne de calomnies ; mais, jusque parmi les entours immédiats du ministre, « l’Autrichienne » comptait de haineux