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nouvelles : » c’était l’histoire galante de Paris. Chacune de ces spécialités mériterait ici une étude particulière, où l’on verrait de quelle façon le journalisme contemporain était déjà représenté sous l’ancien régime, en ses parties essentielles. Du moins voudrions-nous encore tenter de faire revivre une des plus curieuses figures parmi celles qui nous occupent, la figure d’un nouvelliste pamphlétaire, François Chevrier.

Il était né à Nancy, dans la rue des Quatre-Eglises, le 11 octobre 1721, Son père, d’une bonne famille de robe, le destina au barreau et lui fit fréquenter l’université de Pont-à-Mousson. Dès sa première jeunesse, Chevrier marqua les plus heureuses dispositions, pour la littérature surtout ; nature ardente, emportée, ouverte à tout et saisissant tout avec passion, mais donnant des inquiétudes par son irrésistible penchant à la satire : il indiquait dès lors le pamphlétaire qu’il devait être un jour. Déjà aussi il affichait cette haine des femmes qui ne le quitta jamais. Il méprisait les femmes, il les exécrait, tout en les aimant, et même beaucoup trop.

Les violences de son caractère ne connaissaient pas de frein. A Nancy, on le vit entrer au Palais de justice, le 26 août 1740, l’épée au côté et, dans la Grand’salle, souffleter l’un des plus anciens avocats, Me François. Au reste, médiocrement assidu au barreau, occupé qu’il était à des satires contre les dames de la ville. Pourvu qu’elles fussent jeunes et jolies, il les prenait en horreur et les attaquait particulièrement. Il les mit au théâtre en des comédies dont il donna des représentations publiques. Satires que nous ne possédons plus, mais dont on devine le ton par celles que Chevrier publia dans la suite :

a Mademoiselle Gaussin, de la Comédie-Française, a eu treize cent soixante-douze amans, dont on a les noms..., » on imagine le reste.

Un des nombreux ennemis, que Chevrier se fera par ses écrits, dira de lui : « Il a des griffes jusque dans les yeux. » L’auteur de la Chevriade le dépeindra ainsi :

« Il était d’un ton olivâtre, rehaussé d’un rouge de vin plus foncé, déjà tout bourgeonné ; il avait l’œil couvert d’un sourcil épais, étincelant et qui semblait distiller du poison ; » faisant d’ailleurs lui-même trophée de son goût pour les pamphlets :


La satire embellit les plus simples propos
Et l’admiration est le style des sots.