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Et Palissot, répondant certain jour à ses attaques :

« Chevrier, à qui l’impuissance de plaire a donné la fureur de nuire, de temps en temps s’agite sous le mépris dont il est couvert pour tâcher d’en rejeter quelque partie sur les autres. »

Ce besoin de critique incessante alla chez lui si loin que, de sa propre personne et de ses propres écrits, il ne put jamais dire que du mal.

Quand, en 1737, Stanislas Leczinski devint duc de Lorraine, avec droits de succession pour son gendre le roi de France, — à l’exclusion de la maison de Lorraine, qui régnait en Autriche, — Chevrier vit s’ouvrir devant lui un nouveau champ à semer libelles et pamphlets. Nous avons parlé plus haut des nouvellistes « lorrains » et « autrichiens. » Chevrier va devenir un « lorrain » et un « autrichien » au sens propre du mot. Il ne pardonnera pas à la maison de France d’avoir exclu de Lorraine la famille souveraine d’Autriche, dont les représentans lui en paraissent les monarques légitimes. Dorénavant Louis XV, la Pompadour, leurs favoris et leurs ministres, vont devenir un but constant à ses traits acérés. A les décocher sa main sera infatigable. Comme il avait fait des dames de Nancy, il commença par mettre en comédie, — avec la collaboration de son ami Fournier, — le bon Stanislas et ses gens. Mais l’affaire se gâta. Les deux camarades furent exilés ; Fournier se retira en Autriche, où il prit service dans le régiment François de Lorraine, et Chevrier, sur la fin de 1743, vint à Paris, où il publia, en 1744, un « roman moral et critique, » Recueil de ces dames, et, en 1745, Bi-bi, autre roman, toujours critique, mais beaucoup moins moral.

En 1746, il part pour l’Italie, où les dames, dont il continue à médire, manquent de le faire assassiner ; l’année d’après, il est en Corse, secrétaire du marquis de Cursay ; puis vient en Avignon, y publier une Histoire de Corse, dont paraissent deux volumes, assez durs pour les Génois, qui obtiennent du gouvernement français de faire interdire la suite de la publication. En 1751, Chevrier est revenu à Paris et y travaille toujours à des romans : déjà sa réputation est telle que la police n’hésite pas à lui attribuer la paternité de Frétillon, histoire scandaleuse de la célèbre Clairon, dont il n’est d’ailleurs pas l’auteur.

Parmi les haines de Chevrier, plaçons encore les financiers, les traitans, les fermiers généraux. Il écrivit un poème en