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exemplaire. Par son sujet même, traité par un nouvelliste, la Nouvelle du jour serait pour nous d’un vif intérêt.

Sur la fin de 1760, Chevrier vint s’établir à Bruxelles, où il succéda comme rédacteur du Gazetin de Bruxelles à Maubert de Gouvest. En 1761, il fait paraître à la Haye son pamphlet célèbre, le Colporteur, qui eut un énorme retentissement. Les personnalités le plus en vue y étaient prises à partie avec une extrême violence, nommées en toutes lettres, ou désignées par les circonstances les plus précises. Grimm le juge un « exécrable ramas, vendu assez cher ici (à Paris), parce qu’il se trouve toujours des oisifs à fouiller dans les ordures ; » et Bachaumont : « De la plus grande rareté, le Colporteur que le gouvernement ne veut pas tolérer en France pour la grande désolation des libraires assurés d’un grand débit pour ses atroces médisances et calomnies. »

Le Colporteur eut par la suite de nombreux imitateurs, l’Espion dévalisé, le Diable dans un bénitier..., et des imitateurs sans le savoir. Le dernier roman en automobile de M. Mirbeau est un autre Colporteur : l’automobile de M. Mirbeau passe en tous lieux, comme le colporteur de Chevrier, prétexte à déchirer, — choses et gens, — tout ce qui se trouve sur la route. Et les deux ouvrages peuvent être comparés pour la verve, la force du style, l’intensité de l’injure...

En prenant en mains le Gazetin de Bruxelles, Chevrier est revenu à son métier de nouvelliste. Il y peut donner libre cours, sous la protection de Cobentzl, gouverneur des Pays-Bas autrichiens, à ses sympathies « lorraines. » Sous sa plume, Marie-Thérèse devient la « Sémiramis allemande, » et le duc Charles de Lorraine « un prince adoré. » La maison de Brunswick et le gouvernement anglais, et ^surtout Frédéric II, sont au contraire vivement pris à partie.

Parlant de la manière dont Chevrier rédigeait le Gazetin de Bruxelles, son dernier biographe, M. Ch. Piot, observe : « Il écrivait avec tact ses dissertations, ses analyses d’ouvrages français, ses contes, ses poésies, ses observations sur le théâtre ; mais dès qu’il s’agissait d’un adversaire ou d’un ennemi, paraissait le pamphlétaire qui perdait toute mesure. » Si bien que ses violences finirent encore par le forcer à quitter Bruxelles. Ce fut alors qu’il organisa un nouveau service d’informations pour des nouvelles à la main dont il répandit le prospectus, cité précédemment,