Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par toute l’Europe. Le gouvernement français, Mme de Pompadour en prirent peur, et Chevrier dut boucler sa valise pour fuir jusqu’en Hollande ; mais, avant de partir, il publia encore un de ses plus divertissans libelles, les Amusemens des dames de B... (Bruxelles).

A la Haye, où la liberté d’écrire est plus grande qu’à Bruxelles, Chevrier fait paraître un périodique, l’Observateur des spectacles, en collaboration avec l’abbé Yvon. Le gouvernement français demande son extradition, à laquelle le Grand Pensionnaire paraît se montrer favorable. Un agent de la police parisienne part pour la Haye. Le jeudi 24 juin, Chevrier s’en fut célébrer « la tête des francs-maçons » à la loge de cette dernière ville. Il rentra sur les deux heures du matin, avec un mal de tête, — trop de discours, — et une indigestion, — trop de mangeaille. Le lendemain, vendredi, il rencontra, vers deux heures après-midi, l’agent secret du gouvernement français, dont il ne se méfiait pas. Ils s’arrêtèrent à causer « devant la porte de Mlle Louison ; » puis, sur les quatre heures, il se rendit chez son libraire, mais ne trouva au magasin que le beau-frère :

« Je vais à Rotterdam, au devant de Sainte-Foix, je vous emmène. »

Le beau-frère s’excusa, et Chevrier s’en fut chercher compagnie au Parlement d’Angleterre, auberge voisine, où il rencontra Saint-Martin, un compatriote :

« Venez jusqu’à Rotterdam, je vous ferai souper avec une jolie fille.

« — Volontiers. »

Avant son départ, il chargea encore le docteur van Haast, « avec qui il était lié par la maçonnerie, » d’aller « insinuer » chez lui son prompt retour, de crainte que, en son absence, ses copistes ne négligeassent leur travail.

En route, Chevrier dit en effet à Saint-Martin qu’il se rendait à Rotterdam, non pour y voir Sainte-Foix, mais une danseuse, la Conti, qui devait y arriver le soir. Saint-Martin remarqua que Chevrier crachait du pus. A Rotterdam, le samedi 26 juin, les deux compagnons descendirent au Maréchal de Turenne ; ils rendirent visite à la danseuse dans une auberge des faubourgs. Après avoir causé avec elle jusqu’à neuf heures, Chevrier et Saint-Martin revinrent au Maréchal de Turenne, où ils soupèrent agréablement. Chevrier notamment mangea beaucoup de fraises,