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sculpteurs ou musiciens, les grands artistes ne sont que les interprètes des grandes vérités. Il y en a, parmi les plus grandes, que le génie de Mozart semble avoir reçu la mission de traduire. Une page comme le duo de la Flûte Enchantée mériterait pour épigraphe le texte de la Béatitude : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. »

Mais peut-être sont-ce là visions trop hautes, et qu’il ne faut pas demander aux gens plus qu’aux choses de théâtre de nous donner. Tout de même, nous en voulons au théâtre, à ce théâtre, d’avoir méconnu, calomnié Mozart, de nous l’avoir fait paraître long, et lourd, et, s’il faut tout dire, ennuyeux, de nous avoir induit à son égard en des doutes impies. Lui aussi, le maître divin à sa manière, s’il nous avait, après une telle représentation, demandé : « M’aimes-tu ? » nous aurions peut-être hésité à lui répondre. Heureusement qu’il suffit de nous remettre en sa présence, en sa présence réelle, immédiate, pour retrouver aussitôt et son génie et notre amour.


Ceux-là connaissent mal M. Saint-Saëns, qui refusent le don de la sensibilité au musicien de Samson et Dalila et du Déluge, de la symphonie avec orgue et de cet Henry VIII même, dont l’Opéra, pour cause d’une indisposition d’artiste, n’a pu donner récemment qu’une reprise éphémère.

On n’a pas manqué de louer, à cette occasion, la « tenue, » la « belle tenue » de l’ouvrage. L’éloge ne suffit pas, impliquant surtout je ne sais quelle arrière-pensée et comme un reproche secret de froideur et de sécheresse. Assurément elle « se tient, » la musique d’Henry VIII ; mais il arrive parfois qu’elle se détende, qu’elle s’abandonne, et si je l’admire lorsqu’elle m’impose, je l’aime davantage quand elle me touche et m’attendrit.

J’aime pour cette raison le rôle, et le rôle entier de la reine Catherine. Il suffirait à démontrer qu’il n’y a point, qu’il ne saurait y avoir de grand artiste impassible et que l’essence même du grand art, c’est la sympathie. En quelques notes, les premières (O mon maître et seigneur, vous m’avez demandée), le musicien pose le personnage. La touche est discrète, et de celles que ne relève pas le moindre effet d’orchestre. Noble et triste, la phrase indique à l’avance un ton, un style que rien ne démentira. De scène en scène, des traits nouveaux, toujours sobres, mais toujours efficaces, viendront s’y ajouter. A la lecture encore mieux qu’à l’audition, parce que la lecture est plus attentive et plus libre, c’est plaisir de voir en quelque sorte se modeler la figure sonore. Devant le synode, assemblé pour la