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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




De mémoire budgétaire, aucun projet de budget n’avait été plus mal accueilli par l’opinion et par le Parlement que ne vient de l’être celui de M. Caillaux pour l’exercice 1910. Les Commissions élues par les deux Chambres y sont franchement hostiles. Jamais on n’avait vu une pareille unanimité : ni au Palais-Bourbon, ni au Luxembourg, le projet n’a trouvé un partisan avoué. Les critiques ont été, dès le premier moment, si nombreuses et si vives qu’à moins d’une de ces sautes de vent qui se produisent quelquefois dans les assemblées et déjouent toutes les prévisions, on peut considérer le budget de M. Caillaux comme définitivement condamné. Mais que mettra-t-on à la place ? Tous les impôts sont mauvais ; tous soulèvent des tempêtes la première fois qu’on en entend parler ; tous portent atteinte à des intérêts respectables. Il faut cependant que le budget soit en équilibre. On parle d’économies à faire ; ce sont là des mots qui ne trompent personne ; le total des économies possibles est peu de chose dans l’énorme chiffre de nos dépenses. Le seul moyen d’échapper à l’aggravation des charges serait de ne pas augmenter ces dépenses, et il faudrait pour cela une bonne politique. Or nous avons une détestable politique qui, entre autres inconvéniens, a celui de coûter très cher. Bien loin de se préparer à diminuer les dépenses, on ne parle que de projets nouveaux qui doivent les accroître. Comment n’en être pas inquiet ?

Dans l’exposé des motifs de son budget, M. le ministre des Finances voyant monter le déluge des dépenses, en montre une préoccupation bien naturelle, et il écrit : « Nous ne saurions adresser un trop pressant appel à l’esprit de mesure et de résistance des assemblées. » L’ironie semblera un peu lourde si on songe que, plus que personne, le gouvernement a poussé à l’exagération des dépenses, et que c’est par conséquent contre lui que devrait s’exercer l’esprit de résistance des assemblées. Le budget est en déficit d’une somme qui, après une