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il y figure, au contraire, en bonne place. « Nous demandons à la Chambre, dit-il, de préparer l’institution d’un grand impôt progressif sur le capital, en créant dans le budget de 1910 une taxe à taux réduit, une sorte de taxe de statistique sur les capitaux dont les déclarations de succession révèlent le montant. » Cette innovation est de beaucoup la plus grave du budget. Il faudrait, pour l’étudier avec les développemens qu’elle mérite, plus de place que nous n’en avons dans une chronique ; mais l’étude en sera faite dans la Revue avant la discussion du projet devant la Chambre. Ce projet, après avoir établi un impôt sur le revenu, en établit un autre sur le capital, et le moment où le capital peut être le plus facilement découvert et taxé a paru être à M. le ministre des Finances celui où, changeant de main après le décès du propriétaire, il prend le nom d’héritage. L’héritage, dans sa partie mobilière, peut être en France ou à l’étranger. M. Caillaux se préoccupe des valeurs au porteur placées à l’étranger, et il le fait avec raison, car l’annonce de ses projets a déjà fait passer la frontière à une partie appréciable de la fortune du pays, et ses projets nouveaux accéléreront ce mouvement au lieu de l’arrêter. Le capital chez nous ne sait pas toujours se défendre, mais il est très habile à se cacher. M. Caillaux a, dit-il, négocié avec une grande puissance un accord qui lui donne des garanties dont il a déjà éprouvé la portée. Il semble pourtant ne compter qu’à demi sur son efficacité, puisqu’il emploie d’autres moyens encore pour arriver à connaître la partie du capital placée au dehors, et on peut dire que ces moyens sont ceux du désespoir. Il en est, en effet, de déshonorans, comme de solliciter la délation du parent qui vient au degré successible après l’héritier légitime, et de l’envoyer en possession de la succession, si l’héritier n’a pas fait dans un certain délai un aveu complet. Le requérant, dit la loi de finance, ou, pour parler plus exactement, le délateur « sera censé avoir succédé seul et immédiatement au défunt pour tous les biens et valeurs spécifiés dans l’exploit de mise en demeure. » Déjà, dans son dernier projet de budget, M. Caillaux avait fait appel à la délation pour se procurer certains renseignemens ; mais les Chambres avaient repoussé un procédé qui révoltait la conscience française, et il en sera sans doute de même aujourd’hui. Enfin le projet de budget porte atteinte à un des principes de notre droit civil. Un vieil adage de chez nous dit que « le mort saisit le vif. » Il a été consacré par l’article 724 du Code civil, et on peut dire que, ni dans notre droit ancien, ni dans notre droit nouveau, aucune institution n’est plus solidement établie que la « saisine. » M. Caillaux se propose de la supprimer. L’envoi en possession