Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’héritage à l’héritier serait fait désormais après un inventaire obligatoire pour toutes les successions. L’État serait une sorte de sur-propriétaire dont l’adhésion et l’homologation deviendraient nécessaires pour consacrer le nouveau propriétaire en sous-ordre. On voit les conséquences : les collectivistes en frémissent de joie.

Le projet d’impôt successoral de M. Caillaux est plus menaçant encore pour l’avenir que pour le présent. Cette vérité est si évidente qu’elle n’a pas besoin d’être prouvée, ni peut-être même énoncée ; mais M. Caillaux répand sur elle tant de clartés que nous ne résistons pas à la tentation de le citer. Après avoir estimé à 100 ou à 150 millions le produit de l’impôt rectifié : « Le gouvernement, dit-il, a déclaré tout récemment encore que c’était par ce moyen qu’il entendait pourvoir à l’organisation des retraites ouvrières et paysannes. Mais avant de mettre en œuvre un grand impôt sur le capital, il nous parait expédient, aussi bien pour parer à des mécomptes que pour mesurer la puissance de l’instrument que nous voulons forger et pour en éprouver la trempe (Ah ! qu’en termes galans ces choses-là sont mises !) d’instituer un léger impôt qui fournirait aux prochains budgets un appoint de 20 millions seulement. Il suffira ensuite d’en rehausser le tarif dans la mesure et dans les limites nécessaires pour obtenir le rendement utile. » Sachons gré à M. Caillaux de sa franchise : elle ne saurait être plus explicite. Nous sommes avertis que son impôt successoral n’est encore qu’un projet en herbe. Il ne rapportera, pour commencer, que 20 millions, ce qui est déjà bien pour un impôt de statistique ; plus tard, il grandira autant qu’on voudra.

M. Caillaux, dans sa modestie, déclare qu’il n’a pas inventé son impôt et qu’il l’a tout simplement emprunté à l’Angleterre. C’est sa manie, comme on sait, de déformer les institutions françaises, qui ont fait leurs preuves, et qui fonctionnent parfaitement, au moyen de greffes étrangères qu’il emprunte tantôt à l’Angleterre, tantôt à l’Allemagne, tantôt aux deux, comme il l’a fait pour l’impôt sur le revenu. Il est à croire que, dans le cas présent, il surveillait ce qui allait se passer en Allemagne, à propos des successions, dans l’espoir d’en tirer encore quelque bienfait pour nous ; mais la mésaventure de M. de Bülow qui, moins heureux que lui, a perdu la chancellerie impériale pour avoir voulu innover en matière d’héritage, l’a obligé à se tourner seulement du côté de l’Angleterre. Il a vu là M. Lloyd Georges, son émule, brassant d’un bras rigoureux la matière successorale. L’impôt sur les successions se compose, en Angleterre, de plusieurs taxes dont le rendement total est de 481 millions. M. Lloyd