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nalier moyen de l’Indou atteindrait 2 pence et serait huit fois plus faible dans certains districts. Survient-il une mauvaise récolte ? le paysan, qui vit au jour le jour, ne peut payer l’impôt et le rôle de l’usurier commence. Mais si l’usurier refuse ses bons offices, le laboureur ne peut même acheter les vivres que les Anglais importent à grands frais dans les districts éprouvés. Alors, il se résigne à mourir. Des bandes faméliques de squelettes ambulans errent sur les routes, éparpillant çà et là ceux qui tombent pour ne plus se relever.

Et pourtant, le gouvernement lutte avec vaillance pour assurer au paysan le riz quotidien. Sous le nom de Famine Fund, il a créé des ressources particulières pour atténuer cette calamité ; il améliore les routes, les voies ferrées, les canaux d’irrigation. En 1864, les canaux irriguaient 625 000 acres ; en 1900, 6 millions d’acres. Depuis le commencement de l’occupation, plus de vingt famines ont désolé le pays, et, chiffre tristement éloquent, en 1899, un million d’Indous sont morts de faim.

Aujourd’hui, de nouveaux soucis se greffent sur les anciens. Il faut refréner la révolte et modifier l’administration, en commençant par un recrutement plus rationnel des fonctionnaires. Lord Cromer « déplore que la porte ouverte au concours soit assez large pour démocratiser le Civil Service. Des emplois importans sont assignés à des Européens [de deuxième ou de troisième ordre, qui font plus de mal que de bien. Aussi longtemps que l’Inde a été administrée par des fils de gentlemen, l’agitation ne s’étendit pas. » Lord Cromer pourrait ajouter que cette colonie n’est plus l’Eden d’autrefois et que les meilleurs élèves d’Oxford et de Cambridge, qui s’en disputaient les places, vont aujourd’hui chercher fortune dans d’autres coins de l’Empire.

Inquiète de l’agitation actuelle, la métropole trace en toute occasion des règles propres à rétablir la tranquillité. Le 1er novembre 1908, cinquantième anniversaire de l’incorporation de l’Inde à la couronne britannique, Edouard VII, dans son message aux princes et aux peuples de l’Inde, signale la nécessité de réprimer sans pitié les conspirations ourdies contre la domination anglaise. En revanche, il fait miroiter dans le lointain une extension du régime représentatif, une plus large collaboration des princes, une augmentation de solde pour les troupes indigènes et l’admission des Indous à exposer leurs desiderata.