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petit hôtel de la rue Rambuteau. Il voulut faire du feu. La cheminée fumait, à l’asphyxier. Il s’en plaignit au propriétaire. La réponse fut qu’il n’y avait rien à faire, les fumistes ayant inutilement besogné le matin même. Au reste, leurs outils étaient encore là. « Passez-moi une auge et du plâtre. » Et Poncy enlève sa redingote pour endosser la blouse. Le voilà sur le toit, démolissant, rebâtissant. Une heure après, la flamme pointait droit dans la cheminée aux yeux du propriétaire ébahi, « bien convaincu qu’il était en présence du premier fumiste du monde.

Poncy s’esquiva donc de Paris au plus vite. Il dut n’y demeurer qu’une douzaine de jours, puisque, le 24 novembre, il était déjà en route pour Toulon, après avoir fait une étape de quelques jours à Nohant. Là était pour lui l’intérêt sérieux du voyage, et son émotion. Ce que fut pour lui l’amie maternelle, dans le patriarcal Nohant, on le devine. Ce qu’il y montra, lui, de qualités morales et de charme de caractère, paraît au grand jour dans une lettre dont George Sand escorta son départ. Il dut la recevoir à Toulon à son arrivée. Peut-être même Désirée la lut-elle avant lui, car elle savait lire, et même elle écrivait à George Sand des billets ingénus, dont George Sand exigeait que son mari respectât l’orthographe :

« Je vous ai trouvé en tous points selon mon cœur, et j’en suis si heureuse qu’il me semble que ma vie en est augmentée ou renouvelée. Vous savez ? on cherche le vrai dans les idées, dans l’abstraction, dans l’absolu, et c’est la vie de l’intelligence. Mais le cœur a besoin de chercher sa vie dans le cœur de ses semblables, et quand on en est arrivé comme moi à la vieillesse avec de si tristes expériences, quand, sur un si grand nombre d’êtres que l’on a rencontrés et observés, la liste de ceux qu’on peut vraiment estimer et chérir est si courte, c’est une immense satisfaction que de pouvoir encore joindre une affection sans ombre et sans mélange d’alliage aux rares trésors qu’on a découverts et conservés. Vous voilà arrivé, mon enfant, à cet âge de maturité où l’on est encore dans toute la fraîcheur de ses impressions, mais où le jugement et ce que Leroux appelle la connaissance éclairent les sentimens et les instincts. Eh bien, vous avez vraiment votre âge, et c’est le meilleur éloge que je puisse faire de vous : car les hommes élevés dans le monde, au sein des lumières et des jouissances, sont toujours ou en avant ou en arrière de la phase qu’ils traversent. Vous me faites