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faire que donner quelques leçons de musique pour subsister et continuer la théologie pour embrasser l’état ecclésiastique, dégoûté du monde, — on croit entendre Figaro, — quand je fus rencontré, rue Saint-Denis des nommés Tollot et Felmé qui me proposèrent d’aller en Hollande pour leur envoyer des nouvelles… »

C’est ce Tollot lui-même, de qui l’on a déjà indiqué la parenté étroite avec celui que Bazile appellera un « potillon de gazette. »

Et combien d’autres nous passent sous les yeux en feuilletant ces Archives de la Bastille, qui sont en quelque sorte les états de service des nouvellistes. Pierre Brunel fut écroué le 12 septembre 1722 dans le sombre château du faubourg Saint-Antoine, comme Figaro, pour délit de nouvelles. Il était cuisinier de son état et, comme Figaro, nouvelliste par occasion ; et si, entre temps, il ne faisait ni barbes ni saignées, à l’instar du valet du comte Almaviva, « il montrait le flageolet et apprenait à chanter aux serins. »

Il est de ces gazetiers qui ont jusqu’au style du barbier de Séville. Dubreuil avait servi l’abbé Antonio Conti à Venise. Après avoir quitté son maître, il se fit nouvelliste à Paris et sut assez se souvenir de son ancien maître pour venir lui demander de s’inscrire comme abonné :

« Le parti que j’ai pris, lui écrit-il en 1727, vous surprendra peut-être. N’ayant pu me résoudre, après avoir perdu un si bon maître, à en prendre un autre, auprès duquel je n’eusse jamais trouvé les mêmes agrémens, j’ai cru ne pouvoir mieux faire que d’en servir plusieurs à la fois. Je me suis fait à la Cour et à la Ville des relations fidèles, que je donne pour dix et douze livres par mois, et comme ce commerce demande un secret inviolable, et que la crainte d’être puni me retient, il ne m’est pas jusqu’ici fort avantageux. Si vous acceptez mes services… »

Ce serait une énumération interminable que la liste de tous les domestiques, maîtres d’hôtel, laquais, valets de chambre, mirebalais, suisses, portiers, cuisiniers, jocqueys, haut-le-pied, qui furent poursuivis et incarcérés, souvent à la Bastille, comme nouvellistes à la main. Tel Louis Lecomte, maître d’hôtel de la présidente de Barillon, à la Bastille en 1659. Il dirigeait un bureau de nouvelles, avec la collaboration d’un laquais, Pierre Gagneron, d’un fruitier nommé Leclerc et du « gargotier » Rémy.