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qui en a été le facteur le plus puissant, l’organe le plus efficace, c’est-à-dire l’école populaire appelée, du nom de son créateur, l’École Grundtvig, tel est l’objet des pages qui suivent. Mais esquissons d’abord, d’après des notes de voyage et des documens récens, quelques traits du caractère national danois au temps présent[1].


I

Petite nature simple, douce et mesurée : telle est l’impression que laissent au passant les paysages danois, îles ou presqu’îles, terres basses coupées de bras de mer, plaines vertes à la surface à peine ondulée, avec, çà et là, de frais vallons de rêve. Rien qui fasse saillie : point de montagnes, de lignes élancées et hardies, point de grandeur ni d’abîme, mais des dunes mouvantes et des tourbières, des landes, comme en Jutland, quelques fjords pittoresques, de grands lacs tristes cernés de hêtres comme le lac de Skerrit en Sélande. De même, point de grands contrastes dans les saisons : le climat est tempéré, peu excitant ; la lumière douce, souvent vaporeuse et mélancolique ; il n’y a pour frapper l’imagination ni soleil de minuit, ni aurores boréales. Partout les horizons sont bornés par la mer, « l’élément libérateur dans la nature comme dans la civilisation, » qui « relie et rattache plus qu’il ne sépare[2]. » Ciel et mer, vagues et vents, sont seuls à changer ici, dans leur variété incessante, l’aspect uniforme des choses.

Cette nature calme et un peu grise a son reflet dans l’âme des paysans, comme elle l’a dans leurs yeux : elle a fait cette âme à son image. Simplicité, douceur, bonhomie, telles sont, avec une saine pondération dans une intelligence d’ailleurs vive et mobile, les qualités typiques du caractère populaire en Danemark. D’instinct, on est bienveillant pour le prochain, prévenant pour l’étranger, sans rien de la rudesse coutumière aux voisins allemands, ni de la roideur, du quant à soi, des frères norvégiens. La vie sociale même est empreinte d’un heureux

  1. Le Danemark, État actuel de sa civilisation et de son organisation sociale, par J. Carlsen, H. Olrick et C. U. Starcke, Copenhague, 1900. — Le Danemark, histoire et géographie, situation sociale et économique, par H. Weitemeyer, Copenhague, 1889. — Rapports consulaires et enquêtes étrangères diverses.
  2. Le Danemark, p. XXVII et XXVIII.