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champ clos de l’Allemagne et de la France et demeurer l’occasion de leurs querelles avant de devenir celle de leur accord.

L’Acte d’Algésiras n’était pas encore ratifié que déjà les obstacles qui devaient s’opposer à son application apparaissaient aux yeux de tous. Les puissances avaient pu s’engager à respecter la souveraineté du Sultan. Il ne dépendait pas d’elles de faire de cette souveraineté une réalité. Et les progrès constans de l’anarchie allaient sans tarder accuser la distance qui sépare dans l’Empire chérifien les apparences des réalités. En mai 1906. aux portes de Tanger, c’était l’assassinat de notre compatriote, M. Charbonnier. Peu après, des troubles éclataient à Marrakech. En août, en plein marché de Tanger, une bataille s’engageait entre la tribu des Andjeras et les gardes du brigand Raissouli, nommé, comme on sait, pacha du Fahç pour avoir emprisonné en 1904 MM. Varley et Perdicaris. Huit jours plus tard, sur la plage même, on assassinait un Espagnol. En septembre, le chef berbère Anflous occupait Mogador, le sorcier Ma el Aïnin s’installait à Casablanca. A El Ksar, on assommait un protégé français. A Marrakech, on attaquait un Français, M. Lassalas et un Allemand, M. Holtze. En octobre, Berrian s’emparait d’Azila. Et, à Rabat, un Allemand, M. Heinrich, était arbitrairement emprisonné. Dans la banlieue de Tanger, Raissouli multipliait contre les Européens et les indigènes les vexations et les sévices. En vain, le 22 septembre, le 1er novembre, le 23 novembre, le corps diplomatique avait protesté. Nul effet. La situation devint si inquiétante que, le 28 octobre, la France et l’Espagne envoyèrent sur rade des croiseurs et que, le 5 décembre, elles sollicitèrent l’agrément des puissances en vue d’une action éventuelle à terre. Déjà, par la force des choses, on s’écartait donc des dispositions d’Algésiras pour rentrer sur le terrain des représailles de droit commun. A la fin de mars 1907, l’assassinat à Marrakech du docteur Mauchamp, médecin du dispensaire français, obligea la France à exercer ces représailles. Et la ville d’Oujda, non loin de la frontière algérienne, fut occupée par les troupes du général Lyautey, cependant que notre ministre à Tanger, M. Regnault, sommait le Maghzen d’exécuter les traités franco-marocains et de mettre en vigueur l’Acte d’Algésiras.

Cette suite d’événemens était observée en Allemagne avec une attention plus inquiète que bienveillante. Dès le mois de décembre 1906, les journaux, comme sur un mot d’ordre, avaient