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le bon renom de la culture occidentale, sans parler des autres services plus immédiats et plus positifs qu’elles y rendent. Mais la grande objection qu’on formule contre elles, — et spécialement contre celles de nos congréganistes, — c’est qu’elles ne réussissent guère à se faire une clientèle parmi les Musulmans.

Les adversaires de ces écoles en tirent un argument décisif. Il n’en serait pas ainsi, prétendent-ils, si ces établissemens, au lieu d’être confessionnels, étaient purement laïques. Qu’on m’entende bien : je ne prétends point, à mon tour, condamner l’enseignement laïque, en Orient. Il est certain qu’il y doit avoir sa place, partout où il lui est possible de recruter un nombre suffisant d’élèves. L’erreur est de vouloir supprimer les écoles catholiques, au bénéfice des autres. Les deux enseignemens peuvent très bien coexister dans les mêmes villes. Quand il y aurait concurrence entre eux, où serait le mal ? Actuellement, en France, l’Université voit tomber le niveau de ses études au-dessous du médiocre, parce qu’elle n’a plus de concurrens. Mais je soutiens que le caractère religieux des collèges et des écoles congréganistes n’est point la vraie raison qui en écarte la grande majorité des Musulmans. Sans doute, quelques-uns répugnent à y entrer pour ce motif. En réalité, les vrais motifs, ceux qui agissent sur la masse, sont tout différens : ils sont d’ordre national.

Qu’on y réfléchisse un instant ! Si les Chrétiens orientaux entrent si facilement dans les écoles européennes, quelles qu’elles soient, c’est qu’ils vivent, si l’on peut dire, en marge de la nationalité ottomane. (La révolution récente ne changera pas de sitôt cet état de choses ! ) On conçoit au contraire que les Turcs et les Égyptiens musulmans, qui se considèrent comme les vrais et seuls fils de leurs patries, se montrent beaucoup plus réservés. C’est toujours une aventure bien périlleuse que de livrer l’instruction et l’éducation d’un peuple à des étrangers : les Musulmans n’ont pas besoin d’être avertis par nous, pour s’en rendre compte. Ils le sentent avec une extrême susceptibilité. En vain, nos écoles congréganistes sont-elles étiquetées confessionnelles et non nationales, il n’en reste pas moins que l’enseignement y est donné par des Français, et que ceux-ci, quand ils le voudraient, ne peuvent faire abstraction de leur nationalité : aux yeux des patriotes ardens, le danger est là. Leurs suspicions seraient bien autrement légitimes, s’il s’agissait de confier leurs enfans, non