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plus à des religieux qu’aucun lien de dépendance ne rattache à un gouvernement étranger, mais à des fonctionnaires entièrement payés, inspirés et conduits par ce gouvernement. Ni les Turcs, ni les Egyptiens ne sauraient admettre une intrusion semblable. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est de nous emprunter momentanément des professeurs pour leurs collèges, jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de se passer d’eux, et encore à condition de garder la haute main dans cette catégorie d’établissemens mixtes.

Donc, pour cette raison capitale : parce que la masse musulmane est hostile en principe à l’éducation par les étrangers, il est au moins inutile de réclamer à cor et à cri l’inauguration de tout un système d’écoles laïques en Orient : c’est se tromper grossièrement sur la clientèle possible de ces écoles. On risque d’en éloigner les Chrétiens qui forment le gros du contingent scolaire, et de n’y attirer qu’une infime minorité de Musulmans, des brebis galeuses, ou les enfans d’une élite assez sûre de son prestige pour rompre en visière avec le préjugé.

Mais l’entreprise est sujette à bien d’autres difficultés. Du moment que nous ne sommes pas en pays conquis, ni dans une colonie française, nous sommes obligés de nous soumettre à la législation ottomane ou égyptienne. Or, à ce sujet, le texte des Capitulations est formel : les étrangers à l’Empire n’y peuvent ouvrir que des écoles religieuses et non des écoles d’Etat. En fait, il est possible de tourner la loi. Néanmoins, l’échec des écoles laïques italiennes de Smyrne est là pour prouver que, même en tournant la loi, on s’expose à de graves mécomptes. Un iradé impérial défendit aux sujets ottomans de fréquenter ces écoles. Dès lors, il fallut les rétrocéder à une société catholique et placer à la tête de chacune d’elles des Pères salésiens. Aujourd’hui, il est vrai, le gouvernement Jeune-Turc semble annoncer des dispositions plus libérales. Mais combien de temps ces bonnes dispositions dureront-elles ? Ce serait donc un énorme aléa que de se lancer dans la voie des laïcisations à outrance. Si l’on veut « faire grand, » où s’arrêtera-t-on ? Que de millions ne faudra-t-il pas pour mettre debout des collèges comme celui des Lazaristes à Antourah, ou ceux des Jésuites à Alexandrie, au Caire, à Beyrouth !… Je passe : l’objection a été cent fois présentée.

Si, au contraire, on procède petitement, alors qu’arrivera-t-il ?