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travail et qui n’ont jamais eu de vous leur salaire ; les cris de ces orphelins, de ces pupilles, de ces familles entières… »

Bourdaloue encore : « Ce qui nous indispose à l’égard des grands et ce qui nous porte le plus souvent contre eux aux murmures et aux mépris, ce sont leurs hauteurs et leurs fiertés, ce sont leurs airs dédaigneux et méprisans ; ce sont leurs façons de parler, leurs termes, leurs gestes, leurs regards, toutes leurs manières ou brusques ou rebutantes ou trop impérieuses ou trop dominantes ; ce sont, encore bien plus, leurs tyrannies et leurs duretés, ce sont leurs injustices, leurs violences, leurs concussions, et si je puis user de ce terme [il paraît qu’il croit pouvoir] leurs brigandages : ce sont les désordres de leur vie, leur débauche, leurs excès, leur irréligion… Voilà, tout grands qu’ils sont, ce qui les rabaisse infiniment dans les esprits et ce qui les avilit. »

Le Père Cheminais : « Quand le mérite manque à ceux que le monde élève au-dessus de nos têtes, on répugne à la soumission ; on sent je ne sais quelle résistance secrète que produit le peu d’estime qu’on a pour eux, et l’on regarde ce renversement de l’ordre naturel comme un attentat à sa liberté. Telle est cependant la destinée des esclaves du monde ; c’est la naissance, la fortune, la faveur, l’argent, qui vous donne un maître ; et presque jamais le mérite. »

Ils vont même jusqu’à attaquer le Roi, indirectement, il est vrai, et le tenant pour trompé par des sophistes, mais marquant qu’il peut l’être, qu’il l’est, et lui reprochant de l’être, et le dénonçant, comme plus tard Montesquieu, en tant que prince qui change la monarchie en despotisme. Fromentières : « Il y a de ces gens auprès du prince, « qui lui ôtent tous les scrupules qu’il aurait d’entreprendre contre les lois anciennes et les libertés publiques et qui lui font croire que son État est florissant lors même qu’il souffre de très grandes misères…, intéressés casuistes, qui lui persuadent qu’il est le maître absolu de la fortune de ses sujets, qu’ils ne doivent travailler que pour lui et qu’il peut en faire autant de victimes de l’insatiable avidité de ces voleurs publics, qui, sous prétexte de donner leurs soins à ses finances, ruinent son peuple et s’engraissent de la substance de ses provinces. »

Ils sont anticléricaux. J’entends par-là que, non seulement ils critiquent certains abus qui se sont introduits dans la législation